En 1975, Gilles Vigneault étrennait son immortelle Gens du pays avec Yvon Deschamps et Louise Forestier lors d’un grand concert sur le mont Royal. C’était le prélude à une semaine de fêtes de la Saint-Jean-Baptiste qui ont marqué les mémoires.

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Que les fêtes commencent!
Juin 1975. La table est mise. Ce sera une fête comme on en a rarement vu dans la Belle Province, une sorte de « Woodstock-en-Québec »: 5 jours et 5 nuits de festivités sur le mont Royal, à Montréal, pour célébrer la Saint-Jean, cuvée 1975.
Le premier soir – un 20 juin –, Gilles Vigneault y « étrennera » Gens du pays, sa chanson appelée à devenir une sorte d’hymne national. Offerte en cadeau à tout le peuple québécois, elle est d’abord présentée à plus de 100 000 personnes (150 000 selon certaines sources) tassées un peu partout sur les pentes gazonnées bordant le lac aux Castors.
Dans son édition du 21 juin 1975, La Presse revient sur cette soirée mémorable. « Ça fête en grand », titre le quotidien, qui reproduit par ailleurs les paroles de Gens du pays dont on dit qu’elles ont vite été apprises par la foule.
Le Montréal-Matin du 21 juin 1975 relate également les moments forts du grand rendez-vous, évoquant un « dernier Happy Birthday » bientôt remplacé par la nouvelle chanson de Vigneault, qui parlera d’amour à tout le Québec.
5 jours (et nuits) de festivités
Sous la présidence de l’animatrice télé (et future politicienne) Lise Payette, qui l’inaugure par un discours bien senti, l’événement Québec fête ’75 proposera quelques clins d’œil à l’Année internationale de la femme : le grand spectacle du 23 juin est mis en scène par Mouffe et réunit une impressionnante galerie de chanteuses et comédiennes québécoises, de Muriel Millard à Pauline Julien, de La Poune à Monique Mercure, en passant par Dominique Michel et Renée Claude.
« Un succès sans précédent »
« Un succès sans précédent », rapporte déjà le Dimanche-Matin du 22 juin 1975, à mi-chemin des festivités. Festivités qui ont, par ailleurs, attiré « des gens de toutes nationalités et de partout à travers le Québec […]. Vendredi soir, on a pu voir des Portugais, des Grecs et des Italiens faire le serment de ne parler que français. […] Plusieurs anglophones participent aux Fêtes. L’un d’entre eux nous a confié qu’il était bien malheureux de ne pas parler français et il se propose dès la semaine prochaine de s’inscrire à des cours de français afin d’être prêt pour l’été prochain. »
La fête à Ferland
Et il restait encore deux jours complets au programme… Avec le temps, on a principalement retenu le spectacle Que sont devenues les femmes?, qui réunissait Jean-Pierre Ferland – pour son anniversaire, un 24 juin! – et 10 voix féminines (la distribution figure dans le programme de La Presse, 23 juin 1975, p. 6). Parmi celles-ci, Renée Claude, Emmanuelle, Lucille Dumont, France Castel et… Ginette Reno! Cette dernière livre une interprétation d’Un peu plus haut, un peu plus loin, la très belle chanson de Ferland, qui fera époque.
« La St-Jean ne fait plus peur »
Tout compte fait, le bilan sera plus que positif, malgré les craintes nées de certains débordements antérieurs (on pense par exemple à l’émeute de 1968), et grâce à la météo clémente. La Presse du 23 juin 1975 rapporte : « Les organisateurs tirent des conclusions réalistes de ce succès en déclarant qu'il tient principalement au temps superbe des derniers jours. “C’est le genre de fête qui redonne le goût de vivre”, déclare un participant, exprimant ainsi le climat qui règne sur la montagne : une douce euphorie plutôt qu'un enthousiasme délirant. Car, même si ces fêtes sont fondamentalement patriotiques, les enjeux politiques en sont absents pour la première fois depuis des années.
« Et plusieurs semblent redécouvrir, quand ce n’est pas découvrir simplement, la montagne. “Je suis persuadé qu’à partir de maintenant, les Montréalais vont venir en plus grand nombre sur le mont Royal parce qu’ils ont goûté le plaisir de trouver au cœur de la ville un coin de campagne’’, note un fêtard. »
Une fois la visite repartie, restera à lancer une grande corvée pour tout nettoyer…
« Québec fête », le film
Une coréalisation de Jean-Claude Labrecque et Claude Jutra pour l’Office du film du Québec, le documentaire Québec fête – Juin ‘75 « immortalise » ce happening historique, juxtaposant extraits de spectacles et scènes de foule pour le moins festives. En résumé : « Pendant cinq jours, sur le mont Royal, des centaines d’artistes, plus d’un million de Québécois s’étaient donné rendez-vous afin de fêter leur Fête nationale, celle du Québec tout entier. Pendant ces cinq jours, au son de la musique, des chansons, des spectacles, tout un peuple est venu ‘‘se laisser parler d’amour’’. »
Le temps des grands rassemblements
Par son ambition et son envergure, Québec fête ‘75 s’inscrit dans la foulée de la Superfrancofête, méga-événement culturel qui s’est tenu en 1974 à Québec et dont le spectacle d’ouverture, J’ai vu le loup, le renard, le lion (avec Félix Leclerc, Gilles Vigneault et Robert Charlebois), avait attiré 100 000 personnes sur les Plaines d’Abraham.
Très courue, la Saint-Jean suivante, édition 1976, passera également à l’histoire, grâce au spectacle 1 fois 5, qui conjugue les talents de Claude Léveillée, Yvon Deschamps, Jean-Pierre Ferland, Gilles Vigneault et Robert Charlebois. Mais ça, c’est une autre histoire…