Des fruits aux poupées, en passant par les traditionnelles cravates : voici un bref historique de la tradition des cadeaux de Noël au Québec tels que vus dans les documents d’époque conservés par BAnQ. Des grands classiques aux cadeaux plus insolites, que s’offrait-on avant au Québec?
Avant les cadeaux : les étrennes
La tradition des cadeaux ne date pas d’hier : dans l’Antiquité, les Romains offraient lors du passage à la nouvelle année des branches de bois, des strenæ, en l’honneur de Strenia, la déesse de la purification et du bien-être. Les branches furent peu à peu remplacées par des billes, des noix, du miel ou des figues[note 1]. Au fil du temps, le mot strenæ fait place, en français, au mot étrennes.
À partir du Moyen Âge, les cadeaux à l’intention des enfants commencent à prendre plus de place. À cette époque, ce sont surtout les petits de la bourgeoisie et de l’aristocratie qui reçoivent des étrennes. Mais en général, cela reste une tradition ayant pour but de présenter ses respects : en Nouvelle-France, les instances religieuses documentent par exemple le don d’étrennes au Nouvel An. Comme dans cet extrait du Journal des Jésuites où on énumère, entre autres : deux boîtes d’écorces de citron, un barillet de pruneaux, un chapelet, une image en papier, un crucifix.
Les étrennes offertes au jour de l’An demeurent au centre des traditions du temps des Fêtes jusqu’à la fin du XIXe siècle. Au Québec, c’est une occasion de remercier voisins, clients et employés à l’aide d’une petite attention et d’un bon souhait. Encore aujourd’hui, il est possible d’entendre parler d’étrennes lorsqu’on fait référence aux cadeaux de Noël.
La révolution des Fêtes
À partir du XIXe siècle, plusieurs changements viennent bouleverser les traditions du temps des Fêtes. La figure du père Noël commence à prendre forme, entre autres grâce à la publication en 1823 du poème La nuit de Noël de Clement Clarke Moore, qui fixe dans les esprits quelques-uns des attributs du personnage jovial qu’on connaît aujourd’hui : la grosse barbe blanche, le traîneau tiré par des rennes, l’entrée par la cheminée. Cette représentation sera d’ailleurs reprise dans les publicités de Coca-Cola à partir des années 1930, à un tel point qu’une croyance populaire attribue à la compagnie américaine l’invention du père Noël! D’autres œuvres littéraires telles que Un chant de Noël de Charles Dickens illustrent quant à elles une célébration festive et familiale. Peu à peu, la place de Jésus dans les Fêtes de fin d’année est prise par le père Noël, tandis que Noël prend le pas sur le jour de l’An[note 2].
Au Québec, l’apparition des premiers grands magasins (Dupuis Frères, E. Lepage & Cie, Morgan, Eaton, etc.) vient cimenter ce nouvel imaginaire de Noël, dans lequel la générosité, l’opulence et les valeurs familiales prennent le dessus par rapport aux célébrations religieuses entourant la Nativité. Les cadeaux offerts à Noël commencent à occuper une place centrale dans le temps des Fêtes et les magasins attirent les clients à coups de vitrines alléchantes, de publicités dans les journaux et de visites du père Noël.
Plus tard, d’autres techniques de vente s’ajoutent : les catalogues imprimés (Distribution aux consommateurs, Simpsons-Sears, Eaton, etc.), la vente par correspondance et l’essor du Web contribuent tour à tour à faire croître l’offre de cadeaux et à marquer l’imaginaire de générations d’enfants qui s’extasient devant tant de possibilités!
Des jeux de société aux poupées Barbie en passant par les Lite-Brite et les fours pour enfants Easy Bake, l’éventail de jeux et de jouets atteint des sommets à partir du milieu des années 1960. Les adultes ne sont pas en reste : les électroménagers, les outils de bricolage et les articles de maison prennent une place grandissante lors du magasinage de Noël. Dans cette offre gargantuesque, certains classiques continuent toutefois d’occuper une place spéciale dans les listes de cadeaux des Québécois.
Les cadeaux, de 1900 à aujourd’hui : des avancées technologiques aux classiques indémodables
D’un siècle à l’autre, les vêtements constituent des cadeaux populaires, tant pour les hommes que pour les femmes : vestons, cravates et gants d’un côté, fourrures, robes et pantoufles de l’autre. Les montres, les plumes et les rasoirs sont aussi des suggestions très répandues. On trouve même des publicités dans les journaux pour de l’alcool et des cigarettes! Devant la frénésie de Noël, presque tout devient un « cadeau idéal » pour le temps des Fêtes.
Les cadeaux proposés évoluent au gré des nouvelles inventions de l’époque : les phonographes et les gramophones, très populaires au début du XXe siècle, laissent place aux radios dans les années 1950, puis aux lecteurs de cassettes dans les années 1960. Les instruments de musique et les appareils photo (pour immortaliser les souvenirs festifs en famille) occupent également une place de choix dans les réclames publicitaires.
Du côté des enfants, les livres, les toutous, les poupées et les chevaux à bascule mènent le bal, mais on trouve aussi quelques versions pour enfant de cadeaux pour adultes, par exemple des vestons trois pièces. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, l’offre se diversifie pour faire place aux jeux, jouets et consoles en tout genre. Du royaume des jouets au village de Noël, on mise beaucoup sur les rencontres avec le père Noël et la fée des Étoiles pour attirer les familles dans les grands magasins.
Les bas de Noël demeurent également un incontournable du temps des Fêtes. Des variations existent quant à l’origine de cette tradition, mais l’essentiel demeure : on y dépose des friandises, des pièces de monnaie et des petites surprises… et parfois un morceau de charbon pour les enfants qui n’ont pas été sages pendant l’année.
Qu’ils proviennent du père Noël ou d’un être cher, les cadeaux sont aujourd’hui bien ancrés dans les rituels entourant le temps des Fêtes. Et si votre père demande (encore) des bas ou des gants pour Noël, dites-vous qu’il ne fait que perpétuer une tradition vieille de plus d’un siècle!
Pour aller plus loin
BLAIS, Sylvie et Pierre LAHOUD, Noël et ses traditions au Québec, Montréal, GID, 2023, 227 p.
GUILBEAULT-CAYER, Émilie et Marie-Ève OUELLET, La Noël au temps des carrioles. Le temps des Fêtes à Québec du XVIIe au XXe siècle, Québec, Septentrion, 2019, 96 p.
LALEMANT, Jérôme, Le journal des Jésuites - Publié d'après le manuscrit original conservé aux Archives du Séminaire de Québec, Québec, Léger Brousseau, 1871, 403 p.
MONTPETIT, Raymond, Le temps des Fêtes au Québec, Montréal, Éditions de l’Homme, 1978, 285 p.
WARREN, Jean-Philippe, Hourra pour Santa Claus ! : la commercialisation de la saison des fêtes au Québec, 1885-1915, Montréal, Boréal, 2006, 301 p.
Wikipédia, « Étrennes » (dernière modification le 14 juillet 2024), https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89trennes.
Sources consultées
[Note 1] Wikipédia, « Étrennes » (dernière modification le 14 juillet 2024), https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89trennes.
[Note 2] WARREN, Jean-Philippe, Hourra pour Santa Claus ! : la commercialisation de la saison des fêtes au Québec, 1885-1915, Montréal, Boréal, 2006, p. 30.