Vue d'une coupe transversale du projet de tunnel sous le fleuve Saint-Laurent. On y voit aussi des bateaux sur le fleuve, la ville de Montréal et le Mont-Royal en arrière-plan.
« Illustration topographique du tunnel projeté sous le Saint-Laurent, en face de Montréal et de l'Île Sainte-Hélène », gravure tirée de L’Album universel, 3 mai 1902, p. 17.
Photo : L’Album universel

Un tunnel entre Longueuil et Montréal en 1880. Vraiment?

Les projets destinés à relier Montréal à la Rive-Sud ne datent pas d’hier! La construction d’un tunnel sous le fleuve a même été envisagée il y a près de 150 ans. Découvrez les détails de ce fascinant projet. Finalement, il faudra attendre jusqu’en 1967 pour que soit inauguré le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine.

Histoire du Québec (1867-1944) Sciences et technologies

La nécessité d’un « deuxième lien »

Peu après l’inauguration en 1860 du pont ferroviaire Victoria, considéré à l’époque comme un chef-d’œuvre d’ingénierie, on commence déjà à imaginer un « deuxième lien », cette fois entre Hochelaga, à l’est de Montréal, et Longueuil. Il faut dire que cette dernière ville a beaucoup souffert de l’arrivée du premier pont, propriété du chemin de fer Le Grand Tronc. Auparavant, cette entreprise employait 300 Longueuillois à sa gare de Longueuil. C’est désormais Saint-Lambert, où est située l’entrée du pont Victoria, qui profite de la manne!

Les pressions pour autoriser la construction d’un pont ou d’un tunnel entre Hochelaga et Longueuil débutent dès les années 1870. Et en 1880, le projet de tunnel passe bien près de devenir réalité. Le 14 juillet de cette année, le gouvernement du Québec adopte une loi permettant sa réalisation, malgré l’opposition du Grand Tronc, qui tire d’énormes profits du droit de passage des trains sur le seul pont existant.

Une compagnie américaine va même faire des relevés de la roche sous le lit du fleuve pour tester sa solidité. Le projet prévoit le passage de deux trains à la fois, un dans chaque direction, mais les piétons et les voitures à chevaux en sont exclus. Déjà à l’époque, seul le moyen de transport dominant a la cote…

Photo : L'Opinion publique
« Tunnel », gravure tirée de L’Opinion publique, 22 avril 1880, p. 195.

Un chemin de fer sur la glace

En 1880 également, en attendant ce « deuxième lien », on inaugure un surprenant chemin de fer d’hiver, installé sur la glace du fleuve Saint-Laurent entre Longueuil et Hochelaga. Il faut savoir que les piétons et les carrioles circulent déjà sur un pont de glace en hiver, mais on n’avait jamais risqué jusqu’alors d’y faire traverser des trains, beaucoup plus lourds. L’expérience sera renouvelée les trois années suivantes, malgré quelques incidents mineurs et la perte d’une locomotive au fond du fleuve. L’instabilité des glaces finit tout de même par avoir raison de cette audacieuse entreprise.

Photo : L'Opinion publique
« Vue générale de l'ouverture de chemin de fer sur glace entre Hochelaga et Longueuil », gravure tirée de L'Opinion publique, 19 février 1880, p. 90.

Le projet de tunnel sera finalement abandonné, malgré le cri du cœur d’un de ses initiateurs, Anthony Ralph : « Que Dieu protège le tunnel d’Hochelaga et Longueuil! » (dans L’Opinion publique, 22 avril 1880, p. 194). Signe d’un besoin réel, les propositions de « deuxième lien » entre Longueuil et Montréal ressurgissent régulièrement par la suite. Ce n’est cependant qu’en 1930 que le rêve devient réalité grâce à l’ouverture du pont Jacques-Cartier. Et il faudra encore attendre quelques décennies avant de pouvoir emprunter un tunnel entre la Rive-Sud et Montréal : Louis-Hippolyte-La Fontaine sera inauguré juste à temps pour Expo 67.

Cet article est une version révisée d’un texte publié dans Le Courrier du Sud le 20 septembre 2022.