La pêche sportive en images

Poissons, pêcheurs et paysages frayent avec les images de pêche depuis la fin du XIXe siècle. Expédition au pays de ces illustrations, photos et autres publicités colorées. Que la saison de la pêche soit ouverte!

Sports Photographies et iconographie documentaire

Typiquement, les images associées à la pratique de la pêche sportive sont construites autour de trois motifs donnant tour à tour, ou simultanément, une place centrale au poisson, au pêcheur ou au paysage. Lorsque le poisson occupe le centre de l’image, il s’agit souvent d’une prise encore vigoureuse, généralement une belle truite, un intrépide saumon ou une combative ouananiche, dont on ne sait si elle va échapper au péril de l’hameçon. Parfois, elle se trouve en compagnie d’une personnalité connue : on raconte que le 29 juin 1922, le premier ministre du Québec Louis-Alexandre Taschereau aurait capturé 26 saumons en huit heures et demie au club de pêche Moisie.

Les images du pêcheur sont nettement plus variées : captées à divers moments de l’excursion de pêche, des préparatifs, sans oublier durant la pesée ou l’enregistrement des prises. 

Les paysages traduisent quant à eux la variété des environnements où se pratique la pêche sportive. Ici, au pied de la chute Montmorency vers 1793, sur un lac gelé en 1880 ou sur les eaux calmes de la rivière Ristigouche l’année suivante.

Pointes d’humour

Plusieurs images humoristiques évoquant l’univers de la pêche égayent articles de revue, brochures, cartes postales, etc. Certaines proposent une représentation caricaturale du pêcheur. On y croise entre autres Chonchon Toussaint, pseudonyme probable de F.-X. Toussaint, qui signe des textes dans le journal satirique La Scie. Son portrait y apparaît, haut de forme compris. Un entrefilet explique que Chonchon a troqué la loche pour le homard. Autodérision? Attaque politique? Il est aujourd'hui difficile de saisir le sens caché. 

Publié à New York en 1873, le livre The Fishing Tourist de Charles Hallock inclut une amusante illustration où trois pêcheurs excentriques composent les lettrines du titre. Rédigé à l’intention des sportifs en écho aux contributions de Hallock au populaire Harper’s Magazine, l’ouvrage est consacré au saumon et à la truite de la région Atlantique. Il propose au lectorat les chemins les plus directs vers les paradis de la pêche, célébrée ici comme un des beaux-arts. Des chapitres y sont dévolus à la Baie-des-Chaleurs, au Bas-Saint-Laurent, au Saguenay et à l’île d’Anticosti. 

Ailleurs, on met en scène des pêches miraculeuses et improbables ou encore le combat – plus ou moins ardu – avec la proie convoitée.

D’autres situations cocasses sont évoquées, tel le pêcheur qui perd pied sur une roche glissante, ou le couple troublé par l’irruption d’une moufette. On classera dans cette catégorie certaines images promotionnelles – enjouées, mais involontairement humoristiques – qui pèchent par simple exagération, telle cette illustration composite, éditée par le gouvernement du Québec : l’illustrateur a cumulé un nombre invraisemblable d’activités touristiques en une seule image!

Le pêcheur hameçonné

Les scènes de pêche se retrouvent aussi dans les publicités pour des produits alcoolisés. L’une d’entre elles paraît au début des années 1950. La légende se lit comme suit : « Paul Bergeron en compagnie de son épouse s’abreuvent, au cours d’une excursion de pêche sur le territoire du club Showhegan[note 1], auprès d’une chute. Après une longue marche, une petite "veuve Sévery" n’est pas à dédaigner. » Cette image illustre un texte de monsieur Bergeron, chroniqueur régulier de Chasse et pêche, « la seule revue canadienne-française du genre au Canada ». On y trouve aussi, bien sûr, des publicités pour cette populaire marque de gin d’origine belge, distillé à Montréal.

Parmi les échos publicitaires du début du XXe siècle, une image intitulée « Parfait bonheur » suggère que le flacon aux épaules tombantes est, depuis plusieurs décennies, un inséparable compagnon du pêcheur épanoui. Au cœur de la Révolution tranquille, les Distilleries Marchand de Québec proposent tout un programme, interpellant l’appétit du pêcheur pour les grosses prises et le « gros gin », non sans oublier de chatouiller ses allégeances canadiennes-françaises!

Les brasseurs aiment aussi courtiser ceux et celles qui taquinent le poisson. En 1952, les fabricants de la Brading misent sur la récompense alcoolisée qui suit une pêche réussie. En 1955, Molson choisit de retenir l’attention du lecteur en exhibant un improbable lion en chemise rouge et table sur les sensations du pêcheur en nature. Une autre publicité de Molson, cette fois en 1965, laisse penser que la bière repêchée dans les eaux fraîches du lac pourrait bien être la meilleure prise de la journée.

Bref, les images associées à la pratique de la pêche sportive au Québec empruntent divers registres, qu’ils soient documentaire, officiel, promotionnel, publicitaire, ludique ou décoratif. Elles nous renseignent, entre autres, sur l’évolution de la gestion des territoires forestiers, du tourisme et de la société des loisirs. 

[Note 1] Il s’agit probablement de Skowhegan, dans l’État du Maine.