Publiés par les services de police, les avis de recherche imprimés lancent un appel au public afin de retracer voleurs, trafiquants, assassins, etc. Dans le deuxième et dernier article de cette série, poursuivons notre exploration de cet univers glauque de chasse à l’homme et d’enfants disparus.
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Une enfant enlevée par sa mère, 1925
Hélène Handfield, alors âgée de 10 ans, a été vue pour la dernière fois au couvent Villa Maria à Montréal en mai 1925. Près de six mois plus tard, un avis de recherche est diffusé à la demande de son père, le docteur J. A. Handfield. Manifestement, les soupçons sont tournés vers Pauline Fréchette, la mère de l’enfant, et on recommande de contacter tous les couvents de l’arrondissement. On comprend aujourd’hui que la petite Hélène a été retrouvée, bien que l’issue de sa disparation n’ait pas eu d’écho dans les journaux. On y retrace toutefois le parcours de la mère et de sa fille avant et après cet enlèvement présumé.
Née à Montréal, Pauline Fréchette (1889-1943) est la plus jeune fille du poète Louis-Honoré Fréchette et s’intéresse à son tour à la littérature. Elle épouse le docteur J. A. Handfield en 1910. Dans son traité sur l’art d’être mère (1922) et son recueil de poèmes Tu m’as donné le plus doux rêve (1924), elle évoque à quelques reprises, avec intensité, sa fille unique, Hélène.
Quelques années après le décès de son mari, Pauline devient Sœur Marie-Pauline à Launay-Villiers, en France, chez les Bénédictines de Jésus-Crucifié. Elle meurt en 1943.
Hélène Handfield (1915-1984) n’a pas connu grand-papa Fréchette, décédé en 1908, mais le legs maternel va baliser la suite de son parcours. Dès 1920, les médias la remarquent lors d’un événement-bénéfice organisé par des dames de la bonne société montréalaise au profit de l’Hôpital Français, inauguré cette année-là (futur Hôpital Sainte-Jeanne d’Arc). Présentée comme « la petite-fille de Louis Fréchette, notre grand poète canadien », Hélène joue dans la comédie Les yeux noirs. Elle n’a que cinq ans et est probablement inscrite aux cours d’art oratoire du Conservatoire Lassalle.
La vie d’Hélène après 1925
Plusieurs années après l’enlèvement présumé, Hélène Handfield termine ses études classiques en France, à Paris et à Pau. Au printemps 1937, elle épouse Paul Leduc dans la plus stricte intimité, mais le nom d’Hélène Fréchette-Leduc va resurgir dans les médias. Fidèle à la lignée maternelle, elle écrit « de nombreux et jolis textes ». En 1938, l’émission Noël des jouets connaît un franc succès sur les ondes de Radio-Canada, inaugurant une fructueuse carrière d’auteure radiophonique. L’année suivante, elle amorce l’adaptation des contes de son grand-père et de son recueil Originaux et détraqués (1892).
Radiomonde, samedi 23 décembre 1939, p.7.
Hélène écrit des contes, des sketches, des « radio-films », remportant la faveur des auditrices avec son roman-fleuve Cœur atout à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Elle adapte des romans et des pièces de théâtre, dont Les Mal-Aimés de François Mauriac. Les textes de ses émissions à caractère historique portent notamment sur Marguerite Bourgeoys, le politicien Honoré Mercier et le centenaire du timbre-poste, sans oublier ses collaborations à divers journaux et revues, notamment Pour vous, Mesdames et La Nouvelle Relève. Vers 1950, elle est également active au sein de l’organisme Les Amis de l’Art qui encourage de jeunes talents.
Quant à son conjoint, Paul Leduc, il est un des pionniers de la radiotélévision canadienne. Il sera directeur dramatique et réalisateur à Radio-Canada jusqu’en 1947. Entre 1952 et 1955, il dirige l’émission quotidienne Le Survenant sur les ondes de CKVL. Il aborde plusieurs registres, des Radio-Carabins (divertissement radiophonique du milieu des années 1940) à La poule aux œufs d’or (la première version de ce jeu-questionnaire télévisuel débute en 1958), en passant par Langue vivante (éducation populaire, avec le linguiste Jean-Marie Laurence, au milieu des années 1960).
Photos : Conrad Poirier. Paul et Hélène sont en 2e et 3e position à partir de la droite.
Cinquante ans après sa prestation dans Les yeux noirs, Hélène Fréchette-Leduc marche encore sur les traces maternelles et renoue avec le bénévolat en milieu hospitalier. Elle œuvre d’abord à l’Hôpital Sainte-Justine, puis crée et dirige pendant neuf ans le Service des bénévoles de l’Hôpital Saint-Charles-Borromée. Elle y travaille notamment avec d’ex-détenus. Elle meurt en 1984 à l’âge de 68 ans.
À vous de jouer?
Ces avis de recherche nous mènent parfois sur des sentiers inattendus. Vous voudrez peut-être mener votre propre enquête documentaire autour d’autres avis de recherche diffusés dans BAnQ numérique?
Ou les comparer avec les avis contemporains diffusés sur le Web comme ceux de la Sûreté du Québec?
Enfin, si vous souhaitez pousser votre investigation plus loin encore, vous pourrez vous rendre dans l’un des 10 centres régionaux des Archives nationales. BAnQ y conserve 21 kilomètres d’archives judiciaires produites depuis 1644!
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