Prêt d'objets

Le prêt d'objets en bibliothèque

 

Il n’y a pas que chez votre pharmacien qu’on trouve de tout! Dans certaines bibliothèques, grâce au prêt d’objets, les usagers peuvent emprunter des tablettes électroniques, des ustensiles de cuisine, des machines à coudre, des microscopes, etc. La variété d’objets est si grande qu’il serait plus facile d’énumérer ce qu’il n’est pas possible d’emprunter.

Le prêt d’objet est-il un phénomène récent?

Au Québec, ce n’est que tout récemment que certaines bibliothèques se sont lancées dans l’aventure. Quelques exemples? En 2014, les Bibliothèques de Trois-Rivières inaugurent un service de prêt de tablettes électroniques; en 2016, les Bibliothèques de Montréal offrent le prêt d’instruments de musique et la bibliothèque de Westmount, le prêt de semences; en 2017, les Bibliothèques de Rimouski lancent un service d’emprunt de télescopes et la Grande Bibliothèque, à l’instar de la Bibliothèque de Québec, inaugure un service d’emprunt de laissez-passer pour des musées, en partenariat avec les Bibliothèques de Montréal.

La situation est bien différente chez nos voisins du sud. Selon Miguel Figueroa, directeur du Center for the Future of Libraries, le prêt d’objets aurait été mis en place aux États-Unis il y a plus d’un siècle. En effet, dès 1904, la Newark Public Library (NJ)  prêtait des toiles aux amateurs d’art visuel. En ce qui a trait aux collections d’outils, la Grosse Pointe Public Library offrait ce service dès 1943.

Le prêt d’objet et la mission éducative des bibliothèques

Même s’ils adhèrent à la philosophie de partage qui sous-tend le service de prêt d’objets en bibliothèque, des bibliothécaires s’interrogent : est-ce que le prêt d’objets contribue vraiment à la mission éducative des bibliothèques?

En ouverture de la Déclaration des bibliothèques québécoises, la bibliothèque est définie comme :

 « Un bien collectif et un lieu où se développe une relation aux savoirs faite d’exploration, d’échange, de connaissances, de culture et d’enrichissement (…), (un lieu qui) permet à tous les individus tout au long de leur vie et peu importe leur âge, leur statut social, et leur provenance, de se former et de combler leurs besoins de connaissance (…) ».

Dans un contexte d’apprentissage, le prêt d’objets peut certainement permettre aux usagers de développer des nouvelles habiletés et d’accroître leurs champs de compétences en leur donnant l’opportunité de joindre la pratique à la théorie.

Les objectifs du service de prêt d’objets :

  • Favoriser le partage des ressources entre les citoyens.
  • Ancrer davantage la bibliothèque au sein de la communauté.
  • Modifier la perception des citoyens qui croient à tort que les bibliothèques ne sont que des dépôts de livres.

Le prêt d’objets : oui, mais quels objets?

Avant de constituer une collection d’objets destinés au prêt, il est fondamental de s’assurer qu’ils répondent aux besoins de vos usagers. Au-delà de cette règle d’or, les possibilités sont quasi infinies.

Un article du blogue de Nicolas Beudon, Le recueil factice, traite des collections atypiques qui sont offertes surtout dans les bibliothèques américaines. L’auteur a dressé une typologie des collections d’objets en 5 catégories :

  1. Outils de bricolage.
  2. Autres outils et instruments (cuisine, musique, scientifiques etc.).
  3. Matériel informatique.
  4. Graines et semences.
  5. Autres offres plus marginales (par exemple, des lampes de luminothérapie, des paires de béquilles, etc.).

Certaines bibliothèques choisissent de se spécialiser et de n’offrir qu’un seul type d’objet, par exemple les semences. D’autres ont une offre très variée, comme la Sacramento Public Library (matériel pour la pratique de l’artisanat, outils de bricolage, instruments de musique, matériel audiovisuel) et la Ann Arbor District Library (matériel d’artiste, accès gratuit à des musées, etc.).

À noter : Certaines bibliothèques dont celles de Toronto, Kitchener, Chicago et New York, prêtent des points d’accès internet mobiles (routeurs Wi-Fi de poche) aux usagers qui n’ont pas de connexion internet à la maison. Ce service est utile pour favoriser un accès démocratique aux technologies.

Lorsque la bibliothèque organise des activités d’animation (ateliers, conférences, etc.), une collection d’objets favorise la création d’une communauté d’usagers rassemblée autour d’un même sujet d’intérêt.

Le prêt d’objets offre aux bibliothèques l’opportunité de favoriser les apprentissages en proposant des ressources documentaires ciblées (sites Web, vidéos, etc.). C’est le cas entre autres de la Richmond Grows Seed Lending Library.

Le prêt d’objets permet à tous les usagers d’accéder à des biens parfois coûteux, ce qui représente pour eux un réel avantage économique. Le prêt d’instruments de musique en est une belle illustration.

L’acquisition d’une collection d’objets peut représenter une belle occasion de développer des partenariats. Un exemple : le programme de prêt d’instruments de musique rendu possible à la suite d’un partenariat entre la Financière SunLife et les Bibliothèques de Montréal.

La convivialité du service peut amener des citoyens qui n’ont pas l’habitude de fréquenter la bibliothèque à s’abonner pour bénéficier de l’ensemble des services.

  • L’entreposage et le rangement des objets figurent en tête de liste des préoccupations des bibliothèques qui offrent ce service. Ils exigent beaucoup de planification, de temps et d’espace.
  • Même si les collections d’objets sont généralement très appréciées par la communauté, certains citoyens jugent le service trop onéreux. La Library of Things de la Sacramento Public Library a essuyé ce genre de critique. En 2015, dès l’inauguration du service, les usagers se sont rués sur ses collections. Les listes d’attente sont devenues si longues que les responsables ont dû faire des achats supplémentaires, mais sans toutefois réussir à réduire l’attente de manière significative dans le cas d’items très populaires, comme les machines à coudre et les caméras vidéo. Des citoyens ont déploré le fait que des fonds publics soient investis pour acheter des objets qu’ils jugeaient fantaisistes et extravagants.
  • L’acquisition d’objets spécialisés peut représenter un réel défi. C’est le cas par exemple des collections d’outils de bricolage comme celle de la Berkeley Public Library. La personne responsable des achats doit évidemment bien s’y connaître pour être en mesure d’évaluer les manufacturiers, la conception des outils, leur durabilité, la disponibilité des pièces de rechange, etc.  
  • Les opérations d’entretien peuvent être longues et fastidieuses. Par exemple, la Brooklyn Toy Library est devenue experte dans l’entretien des jouets. Le personnel accorde à chaque jouet rapporté par les usagers une méthode de nettoyage particulière : la machine à laver pour les jouets en tissu, le trempage et le frottage pour les jouets en plastique, l’essuyage au chiffon pour chaque pièce de puzzle et pièce de jeux. Dans le cas des outils, l’entretien doit également être extrêmement minutieux pour assurer la sécurité des usagers. Les instruments de musique exigent également des soins particuliers. Dans les bibliothèques de Montréal, au retour, tous les instruments sont nettoyés et inspectés.

Planification :

  • Avant de débuter l’implantation d’un service de prêt d’objets, s’assurer qu’il se rattache à la mission de son institution.
  • Au moyen de sondages et de rencontres avec les différents acteurs du milieu, évaluer les besoins de la communauté avec soin afin de savoir quels objets seraient les plus utiles.

Financement :

  • Que les sommes allouées proviennent de partenaires locaux, de sources municipales ou gouvernementales, le défi consiste à obtenir, en plus des fonds pour lancer le projet, un financement à long terme assurant la pérennité du service.

Acquisition :

  • Dans le cas des collections d’objets diversifiés, il est judicieux de concevoir une politique de développement des collections suffisamment détaillée qui circonscrit de manière précise les catégories d’objets à acquérir.
  • Plutôt que de laisser les limitations budgétaires guider ses choix, il est préférable de chercher à répondre le mieux possible aux besoins de sa clientèle, puis de rechercher les items les plus adéquats, dans une gamme de prix raisonnables.

Catalogage et description :

  • La grande variété des objets et des formats pose un défi particulier aux catalogueurs car il est nécessaire d’adapter la norme RDA au contexte de la bibliothèque. La clé est de choisir un système qui permet de décrire les objets de manière précise, tout en assurant un accès facile aux collections.
  • Pour ce qui est de l’attribution des cotes, la difficulté consiste à regrouper les objets similaires sur les rayons. Certaines bibliothèques choisissent d’utiliser le système de classification Dewey ou de créer un système de classification maison, par exemple en créant une cote composée d’un numéro correspondant au format de l’objet, suivi d’un numéro d’accès.

Préparation et traitement matériel des objets :

  • Certains objets peuvent être déposés dans des bacs de rangement fermés pour permettre une meilleure protection et un rangement plus facile. Les objets fragiles seront mieux protégés s’ils sont rangés dans des bacs transparents.
  • Pour faciliter le traitement des objets qui ont plusieurs composantes, certaines bibliothèques choisissent d’apposer des codes à barre sur chacune des pièces. D’autres choisissent plutôt de faire une liste des items qui composent l’ensemble, par exemple lorsque les pièces sont trop petites, pour y apposer des codes à barre. Cette méthode a l’avantage de rendre plus aisée la vérification des jeux au retour.

Entreposage et rangement :

  • Il est important de prendre en compte la disponibilité des espaces de rangement dès le début du projet car ce facteur aura nécessairement un effet sur le type d’objets que l’on décidera d’acquérir.
  • Autre aspect à considérer : Votre collection sera-t-elle en accès libre ou en accès contrôlé? Dans la majorité des cas dont il est question dans l’ouvrage « Audio Recorders (…) », les collections sont en accès contrôlé. Toutefois, un conseil est donné à ceux qui opteraient pour l’accès libre. Pour faciliter le repérage des objets sur les rayons, il est suggéré de ranger les objets similaires ensemble.
  • Prévoir des armoires fermées à clé afin de se prémunir contre le vol lorsqu’il s’agit d’objets dispendieux (caméras vidéo, microscopes, etc.).
  • Utiliser un même type de bac facilite le rangement et le repérage des objets sur les rayons.

Circulation :

  • Lorsque la collection est modeste, il est préférable de limiter le nombre de prêt à un seul item. Pour ce qui est de la durée du prêt, elle sera déterminée non seulement par le nombre d’objets disponibles, mais aussi par le type de collections. Par exemple, des bibliothèques qui prêtent de l’équipement multimédia ont fait passer la durée du prêt de un à trois jours pour donner le temps aux utilisateurs de se familiariser avec le fonctionnement parfois complexes de ces appareils. Le prêt de trois jours est d’ailleurs devenu la norme pour la plupart des bibliothèques qui prêtent ce type d’équipement.

Politiques et procédures :

  • Des facteurs comme la grande variété des collections, le coût des objets, la complexité de leur utilisation peuvent nécessiter la production d’une grande quantité de documentation. Cependant, il est bon de viser un juste équilibre. L’abondance des consignes et des règles entourant le prêt peut avoir un effet dissuasif sur les usagers en plus d’alourdir inutilement le travail du personnel. Avec le temps, il est possible d’alléger les politiques et les procédures en se basant sur les commentaires des employés qui offrent le service.

Aspects légaux :

  • Il est nécessaire de bien connaître les lois et règlements, tant au niveau municipal que provincial. Par exemple, une bibliothèque qui fait du prêt de vélos se doit de connaitre les lois concernant le port du casque, le nombre de réflecteurs nécessaires, etc. S’ils sont obligatoires, ils devront être fournis lors du prêt.

Formation du personnel:

  • Les employés doivent maîtriser les opérations liées au prêt et au retour, incluant le décompte et la vérification des composantes. De plus, ils doivent s’assurer que les objets sont en état de marche, connaître les procédures d’entretien et être en mesure de montrer aux usagers comment s’en servir de manière adéquate.
  • La formation du personnel doit se faire en continu. Lorsqu’il y a ajouts de nouvel équipement, le personnel doit en comprendre le fonctionnement et savoir comment l’utiliser. Ainsi, il sera en mesure de transmettre ses connaissances à l’usager. Investir temps et argent dans la formation du personnel est indispensable car des employés compétents contribuent grandement à la qualité du service.

Entretien:

  • L’entretien est un aspect à considérer dès le début du projet. Comme les opérations liées à l’entretien sont coûteuses et prennent beaucoup de temps, elles orienteront le choix des objets, au même titre que les considérations liées à l’espace de rangement.
  • Pour que les objets soient toujours en bon état, il est nécessaire de concevoir un plan  d’entretien propre à chaque catégorie d’items.
  • Il faut s’assurer d’avoir en tout temps un inventaire de pièces de rechange, par exemple dans le cas des collections d’outils.

Promotion:

  • Les collections d’objets jouissent d’une grande popularité auprès des usagers, mais encore faut-il que la communauté soit mise au courant, et ce, dès l’inauguration du service. Pour en faire la promotion, il est possible de planifier une campagne sur les réseaux sociaux et la tenue d’un événement festif. Un autre bon moyen de faire de la publicité est de solliciter l’attention de la presse locale.

Évaluation en continu:

  • La qualité d’une collection d’objets doit être évaluée régulièrement. Il faut remplacer le matériel désuet. Quand c’est encore possible de le faire, on peut prolonger la durée de vie de l’équipement audiovisuel ancien, mais encore utile, en installant des versions récentes de logiciels.
  • Pour pouvoir démontrer que votre service est utile et apprécié, les statistiques sont d’une grande importance. S’assurer de bien compiler le nombre de prêts, le nombre d’usagers qui participent aux ateliers, etc.
  • Afin d’évaluer la pertinence de votre service et recueillir les commentaires de vos usagers, vous pouvez lancer des sondages et mettre sur pied des groupes de discussion.

Ces informations sont tirées du livre Audio Recorders to Zucchini Seeds : Building a Library of Things.

BEUDON, Nicolas, «Le prêt d’objets – chant du cygne ou renouveau des bibliothèques publiques?», Nectart, n° 5, vol. 2, 2017, p. 87-97, (consulté le 20 septembre 2022).

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Dernière mise à jour : 20 septembre 2022