Vue sur la rue Sainte-Catherine la nuit avec ses enseignes illuminées
Rue Sainte-Catherine, Montréal, 196-. Archives nationales à Montréal, fonds La Presse (P833, S4, D1742, P3-1). Photo : Réal St-Jean

La Sainte-Catherine la nuit

La vie nocturne sur la rue Sainte-Catherine a connu un âge d’or de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 1960. Au cours de cette période, une ère faste pour Montréal, les habitants de la métropole venaient s’y divertir et s’y encanailler.

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Les boîtes de nuit et cabarets

La réputation de lieu de fête dont jouit Montréal ne date pas d’hier. La ville a bénéficié de la prohibition américaine des années 1920. Le public assoiffé était attiré par le fait que la métropole faisait figure de rebelle en Amérique du Nord et permettait la vente d’alcool.

Les boîtes de nuit qui voient le jour sur la grande artère montréalaise au début du XXe siècle sont avant tout des bars, restaurants et cabarets. Les gens peuvent y danser au son des pièces jouées par des musiciens sur scène. Parfois, un maître de cérémonie ponctue le spectacle de blagues et présente la prochaine chanson. Les ensembles de jazz sont particulièrement prisés par le public anglophone, avec de grands noms comme Duke Ellington et Louis Armstrong. La plus célèbre de ces boîtes de nuit est Chez Maurice, située au 1244, Sainte-Catherine Ouest.

Ces établissements encaissent un dur coup lorsque la clientèle américaine chute radicalement dès la fin de la prohibition, en 1933, ce qui entraîne une grande perte de revenus. 

Du côté des francophones, ce sont les cabarets, comme le Casa Loma ou le Café Montmartre, tous deux situés rue Sainte-Catherine, qui ont la cote. Des chanteuses et chanteurs présentent des mélodies en français et demandent même la participation du public pour égayer l’ambiance. Des personnalités françaises de la chanson telles que Charles Trenet, Édith Piaf et Charles Aznavour viennent à la conquête du public montréalais.

Les cabarets montréalais accueillent également du striptease. La célèbre effeuilleuse Lili St-Cyr fait tourner les têtes de 1944 à 1951, surtout au théâtre Gayety. Son numéro le plus connu la présentait dans une baignoire, avec des bulles de savon qui couvraient partiellement son corps. Son parcimonieux rhabillement constituait le clou du spectacle, et détournait astucieusement la règle selon laquelle une artiste ne pouvait pas quitter la scène moins habillée qu’au début de sa prestation.

Les théâtres et salles de spectacle

Des théâtres réputés ouvrent leurs portes rue Sainte-Catherine au tournant du XXe siècle, comme le Monument National ou le Gayety – ancêtre de la Comédie Canadienne et du Théâtre du Nouveau Monde.

Ces salles sont polyvalentes : elles peuvent accueillir des pièces de théâtre et des récitals, se transformer en cinéma ou en salle de concert, ou même héberger un mélange de toutes ces manifestations artistiques. 

Une des plus grandes salles de spectacle de la métropole est le Queen’s Hall, qui a ouvert ses portes en 1880. Dotée de plus de 1100 places, elle était située au coin de la rue Sainte-Catherine et de la rue Victoria, près de ce qui est aujourd’hui l’avenue McGill College. Alors que dans un premier temps y sont présentés des spectacles musicaux, elle devient un théâtre quelques années plus tard. Elle a été détruite par un incendie en 1899.

L’Académie de musique, quant à elle, comptait 2100 places. Elle était située rue Victoria, près de Sainte-Catherine. Cette grande salle montréalaise pouvait aussi bien accueillir des concerts que des pièces de théâtre. C’est là que s’est produit pour la première fois l’Orchestre symphonique de Montréal, en 1903.

Le Monument National, près de l’intersection du boulevard Saint-Laurent et de la rue Sainte-Catherine, est inauguré en 1893. Pouvant accueillir 1400 spectateurs, il a été construit par la Société Saint-Jean-Baptiste, dont le mandat est la défense et la promotion de la nation québécoise. Le Monument National est le théâtre québécois le plus ancien encore ouvert de nos jours.

Le vaudeville et le burlesque

Il n’y avait pas que des productions classiques dans les salles de la rue Sainte-Catherine. Du théâtre populaire et du vaudeville y étaient aussi présentés. 

Le vaudeville était une comédie légère regroupant divers types de performances, notamment de la danse, des chansons, des acrobaties et de l’humour. Ce type de spectacle remporte un grand succès auprès des classes populaires pendant une trentaine d’années, mais il est vite déclassé lors de l’arrivée du cinéma sonore, à la fin des années 1920. 

Le burlesque, quant à lui, est un genre théâtral cousin du vaudeville, mais bel et bien distinct. Il est populaire au Québec des années 1930 aux années 1950. Il est composé d’une série de courts numéros de variétés, sans fil directeur, dans laquelle les actions des personnages sont comiques ou grivoises. Les numéros sont constitués notamment de chansons, de mélodrames, de jongleurs et de ventriloques.

Importé des États-Unis, le burlesque est dans un premier temps présenté en anglais au public québécois, mais il devient rapidement le monopole d’artistes francophones qui se l’approprient et qui s’en servent pour lancer leur carrière. Parmi les plus connus, on trouve les noms de Jean Grimaldi, Olivier Guimond père et fils, et Rose Ouellette « La Poune ».

La plupart de ces établissements ne survivront pas à l’arrivée de la télévision dans les foyers montréalais, en 1952. Sources de divertissement gratuit dans le confort de la maison, les spectacles télévisés offrent également des cachets plus élevés aux artistes. Le déclin du théâtre populaire sera à partir de ce moment inexorable

Le cinéma

Par son importance unique dans la vie montréalaise, la rue Sainte-Catherine a aussi reflété l’activité bourdonnante d’un nouveau média qui a vu le jour et qui a été florissant au XXe siècle : le cinéma.

 La première séance de cinéma au Canada a lieu le 27 juin 1896, dans l’édifice Robillard, à Montréal, et sa montée en puissance se fera de manière graduelle. 

Le pionnier canadien du septième art était d’ailleurs québécois. Il s’agit d’Ernest Ouimet, qui en 1906 a ouvert la toute première salle au Canada entièrement consacrée à la projection de films, le célèbre Ouimetoscope, à l’angle de Sainte-Catherine et Montcalm.

Elle pouvait accueillir 500 spectateurs, puis après des rénovations, 1200. Une plaque commémorative est d’ailleurs toujours visible sur l’immeuble qui a été construit sur le terrain où était située cette salle. 

Or, comme toute entreprise qui remporte du succès, le Ouimetoscope inspire des imitateurs. Montréal se verra bientôt tapissée de salles de cinéma, toujours plus grandes à mesure que ce type de spectacle gagne en popularité.

Une grande partie de ces cinémas ont ouvert leurs portes sur la rue Sainte-Catherine, rivalisant de confort et de luxe pour attirer le public. Ainsi, le cinéma Princess ouvre en 1917, suivi du Capitol en 1921 et du Palace en 1923. 

Souvent implantées dans d’anciens théâtres de vaudeville, les salles de cinéma connaissent leur apogée jusqu’au début des années 1950 avant d’être fragilisées elles aussi par l’avènement du petit écran en 1952.

Le Red Light

L’activité nocturne sur la rue Sainte-Catherine avait aussi un côté sombre. Des groupes criminels voient une possibilité de développer leurs débouchés par le biais des établissements qui remplissent le secteur. Le malfamé Red Light, aux alentours de l’intersection de la rue Sainte-Catherine et du boulevard Saint-Laurent, était en effet la zone où proliféraient les activités interlopes comme le trafic de drogue, la prostitution et le jeu, pendant la première moitié du XXe siècle.

En 1954, l’arrivée au pouvoir du maire Jean Drapeau, décidé à restaurer un semblant de moralité dans la ville, mènera à la disparition de ce quartier mythique.

Ce texte est une version modifiée d’un article paru dans Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec le 7 janvier 2024. 

Sources consultées

«Chronique Montréalité no 39: La rue Sainte-Catherine, depuis 1758», Archives Montréal. 

La rue Sainte-Catherine: au cœur de la vie montréalaise, de Paul-André Linteau, Les Éditions de l’Homme, 2010. 

Capsule historique : du Gayety au Théâtre du Nouveau Monde, Métro. 

L’âge d’or du vaudeville et du burlesque, Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française. 

Transcription textuelle de la vidéo L’âge d’or, Histoire Canada. 

«Sainte-Catherine: une rue phare de Montréal», Musée Pointe-à-Callières [en ligne]. 

Pour aller plus loin 

«Ah! Les nuits de Montréal...», Michèle Lefebvre, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2023.