Photographie de Refus global
Photographie de Refus global

Refus global, 75 ans plus tard

« D’ici là, sans repos ni halte, […], nous poursuivrons dans la joie notre sauvage besoin de libération »; ainsi s’achève le texte d’ouverture de Refus global, manifeste mythique qui célèbre cette année ses 75 ans. Retour sur le recueil qui incarne l'avènement de la modernité culturelle au Québec.

Arts vivants Histoire du Québec (1945-1979)

Les origines de Refus global

Refus global est une initiative des Automatistes de Montréal – un collectif issu des milieux littéraire et des arts visuels – gravitant autour de Paul-Émile Borduas. En bref, les Automatistes préconisent une approche intuitive, ou instinctive, en art. Le groupe d’artistes souhaite entre autres promouvoir les arts vivants au Québec, et la publication d’un manifeste, inspirée d’initiatives similaires en Europe, s’inscrit dans cette volonté. Le recueil dénonce également l’influence de l’héritage clérical et l’emprise du pouvoir politique en place. Le caractère revendicateur du manifeste est sans équivoque et fera réagir dès son lancement.

C’est le 9 août 1948 qu’a lieu à la Librairie Tranquille, à Montréal, le lancement de Refus global, un recueil incluant neuf textes et des illustrations, imprimé sur du papier bon marché de différentes couleurs. Soixante-quinze ans plus tard, que retient-on de ce recueil d’une centaine de pages non reliées, tiré à 400 exemplaires numérotés?

On retient surtout le texte éponyme, « Refus global », signé par Borduas et contresigné par plusieurs membres du collectif : Madeleine Arbour, Marcel Barbeau, Bruno Cormier, Claude Gauvreau, Pierre Gauvreau, Muriel Guilbault, Marcelle Ferron-Hamelin, Fernand Leduc, Thérèse Leduc, Jean-Paul Mousseau, Maurice Perron, Louise Renaud, Françoise Riopelle, Jean Paul Riopelle, Françoise Sullivan. Outre le texte d’ouverture, la couverture bicolore (noir et orange) dessinée par Jean Paul Riopelle, ainsi que les illustrations des pages subséquentes, reflètent les ambitions artistiques véhiculées dans l’ouvrage.

Photographie du recueil Refus global. Crédit : Michel Legendre

Au lendemain de la publication du recueil, Borduas est licencié de son poste de professeur à l’École du meuble de Montréal. Commandé par le gouvernement de Maurice Duplessis qui n’apprécie pas les critiques véhiculées dans le manifeste, ce renvoi n’est pas sans rappeler les mesures répressives qui caractérisent la période de la Grande Noirceur. Le licenciement a aussi pour effet de recentrer le discours médiatique autour de Borduas et de sa contribution au recueil. 
À plus long terme, Refus global insuffle une énergie nouvelle au milieu artistique québécois. À l’aube de la Révolution tranquille, on assiste à une affirmation plus marquée des artistes en littérature, en danse, au théâtre et en peinture.

Revisiter Refus global grâce à BAnQ

BAnQ conserve quelques exemplaires du mythique recueil dans ses réserves à la Bibliothèque nationale (site Rosemont). Vous pouvez le consulter en format numérique dans les édifices de BAnQ[note 1]

Aux Archives nationales à Montréal, vous pouvez consulter les fonds d’archives de deux des signataires : Françoise Riopelle et Jean-Paul Mousseau. On y trouve aussi des documents concernant Marcelle Ferron, Claude Gauvreau, Fernand Leduc, Jean-Paul Riopelle et Françoise Sullivan ainsi que des fonds associés à d’autres personnes liées aux signataires, amis ou parents. Vous pourriez y faire des découvertes étonnantes.      

Le fonds de Madeleine Ferron, romancière et sœur de l’artiste Marcelle Ferron, contient une lettre particulièrement intéressante sur le lancement de l’ouvrage du groupe de Borduas. Dans celle-ci, Marcelle explique : 

J’ai bien hâte de vous envoyer le bouquin du Groupe [...] un des textes [va] s’appeler Refus global – comme tu vois c’est table rase [et] sur cette table rase on propose d’autres valeurs, d’autres moyens pour arriver à une plus grande connaissance de l’homme.

- Marcelle Ferron, lettre à sa sœur Madeleine, sans date.
Paul-Émile Borduas, février 1947. Archives nationales à Montréal, fonds La Presse (P833, S1, D122). Photo: Maurice Perron.

Dans le fonds de Jacques Ferron, frère de Marcelle et de Madeleine, on trouve des textes portant sur Paul-Émile Borduas et l’automatisme. Il y a même une courte pièce de théâtre avec comme personnage principal nul autre que Borduas lui-même.

Enfin, on pourra lire dans le fonds de la poète, metteure en scène et femme de lettres Janou Saint-Denis une série de textes rassemblés en 1958 à l’occasion du 10e anniversaire de la publication de Refus global. Ces textes sont de Claude Gauvreau, Marcel Barbeau, Marcelle Ferron et Paul-Émile Borduas.

Profitez des archives liées aux signataires de Refus global pour explorer l’histoire de ce manifeste incontournable du Québec moderne. 

Pour aller plus loin

Pour en apprendre davantage sur le mouvement automatiste québécois et ses acteurs, nous vous suggérons les ouvrages suivants, disponibles pour l’emprunt à la Grande Bibliothèque ou pour le téléchargement en format numérique :

L'art vivant – Autour de Paul-Émile Borduas, Jean-Philippe Warren
Claude Gauvreau, le cygne, Janou Saint-Denis
Le droit d'être rebelle, Marcelle Ferron
Un passé recomposé – Deux automatistes à Paris : témoignagnes, 1946-1953, Thérèse Renaud
Pierre Gauvreau – Passeur de modernité, Hélène Dionne et Guylaine Girard
Riopelle et moi – Biographie + making of, Hélène de Billy
Sullivan, Françoise Dugré – Il s’agit d’un film documentaire.
Chronique du mouvement automatiste québécois, 1941-1954, François-Marc Gagnon
Les échos du Refus global, Jonathan Mayer
Identité et modernité dans l'art au Québec – Borduas, Sullivan, Riopelle, Louise Vigneault
Refus global – Histoire d'une réception partielle, Sophie Dubois – thèse de doctorat de 2014, Prix Gabrielle-Roy de 2017

Sources consultées

DUBOIS, Sophie, Refus global – Histoire d'une réception partielle, Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, 2017, p. 12-19, 48-60.  
GAGNON, François-Marc, « Refus global », Encyclopédie canadienne, en ligne.  
LASSONDE, Élise, « 1948 – Refus global », À rayons ouverts (Hors-série), no 99, 2016, p. 38-39.  
POULAIN, Martine, « L'art à l'époque de la « grande noirceur » – Le Refus global », Histoire Québec, vol. 5, no 3, mars 2000, p. 15-20.  
SAINT-PIERRE, Marcel, Une abstention coupable – Enjeux politiques du manifeste Refus global, Ville Mont-Royal, M Éditeur, 2013, p. 21-34.

 

[note 1] En raison du droit d’auteur, BAnQ ne peut pas rendre Refus global disponible en ligne.