Robert Quirion, chauffeur de taxi de la compagnie Blue Veteran Taxi de Sherbrooke, 1960
Robert Quirion, chauffeur de taxi de la compagnie Blue Veteran Taxi de Sherbrooke, 1960. Archives nationales à Sherbrooke (P21,S2,D886,P1). Photographe : Studio Boudrias.
Photo : Studio Boudrias

18 boîtes, 35 000 photographies… une équipe d’archivistes

Lorsqu’un fonds d’archives est acquis par BAnQ, le contenu des boîtes est souvent ardu à consulter. Le fonds Studio Boudrias (P21) est un excellent exemple de cette difficulté. 

Semaine internationale des archives Histoire du Québec (1945-1979) Loisirs et vie quotidienne Société Photographies et iconographie documentaire

Le Studio Boudrias

Né à Saint-Lambert en 1917, Jean-Paul Boudrias est le fils de Napoléon Boudrias, opérateur, et d’Alexina Dion. Il exerce d’abord le métier de photograveur, c’est-à-dire spécialiste de la photographie imprimée, le meilleur exemple étant la carte postale.

En 1948, Jean-Paul Boudrias travaille au Studio Bélanger à Sherbrooke comme photographe. C’est au nom du Studio Bélanger qu’il participe, la même année, au 33e congrès annuel de l’International Association for Identification à Denver au Colorado. Déjà à l’époque, la photographie est considérée comme une branche scientifique utile aux enquêtes policières.

Toujours en 1948, Boudrias démarre son propre commerce en association avec Albert Prince, sous la raison sociale Studio Boudrias et Prince. Le commerce est installé dans l’ancien studio qu’occupait A. Z. Pinsonneault sur la rue King Ouest à Sherbrooke. L’entreprise est dissoute en mars 1951. Boudrias crée alors son propre studio qu’il déménage sur la rue Belvédère Sud en 1965. Le commerce ferme en 1980, peu de temps avant le décès de son propriétaire.

Traiter un fonds de photographies

Constitué à l’origine de près de 35 000 négatifs répartis dans 18 boîtes, le fonds, acquis en 1981, est resté en « dormance » jusqu’à ce que le traitement commence en 2015. À l’ouverture des boîtes, nous avons rapidement compris la complexité, pour un chercheur ou pour un membre du personnel, d’accéder à l’information contenue dans les enveloppes.

Les enveloppes contiennent des négatifs et des épreuves âgés de plusieurs décennies. Sur chacune d’elles, le nom du client et son adresse sont inscrits. L’utilisation d’une table lumineuse et d’une loupe peut s’avérer nécessaire pour capter le détail qui permet de bien identifier les images.

Une sélection est effectuée : nous conservons les pièces ayant une valeur documentaire certaine ainsi que celles représentatives de l’époque. Dans les cas de portraits ou de photos de commerces, le numéro du négatif retenu par le client est souvent indiqué, ce qui facilite le choix des pièces à conserver. Les négatifs et les épreuves comportant des défauts techniques et les doublons sont éliminés.

Chaque enveloppe devient un dossier et chaque négatif ou épreuve, une pièce. Pour numéroter les dossiers, nous avons choisi d’utiliser le même numéro que celui qui est inscrit sur l’enveloppe. Celle-ci est décrite au contenant dans le catalogue AdVitam.

À ce jour, les enveloppes nº 1 à nº 4200 (1959-1965), ainsi que les enveloppes sans numéro de la période 1965 à 1969, ont été traitées. Malheureusement, la production des années 1950 du Studio Boudrias est fragmentaire; des paquets de négatifs collés ensemble ont été retrouvés pêle-mêle, avec des résidus d’enveloppes. Il semble qu’un dégât d’eau ait obligé la destruction des pochettes et, conséquemment, des informations qu’elles présentaient. Néanmoins, quelques beaux spécimens ont pu être sauvés.

Le traitement du fonds en sera un de longue haleine, puisque les dates inscrites sur les enveloppes se rendent jusqu’à la fin de l’histoire du studio, soit en 1980. Les découvertes faites jusqu’à maintenant laissent entrevoir la présence d’autres trésors.

Quelques pièces remarquables

La chanteuse Etta Jones

L’artiste Etta Jones, en tournée dans les Cantons-de-l’Est, séjourne à l’hôtel Normandie. Elle profite alors de son passage pour se faire prendre en photo au Studio Boudrias, situé à proximité de l’hôtel. La chanteuse de jazz américaine est née en 1928. Après une carrière de choriste, elle entreprend une carrière solo en 1960. 

Jacques Michel et ses Colibris

Débutant sa carrière de chanteur et de guitariste avec les Rock’n Roll Kids à l’âge de 16 ans, Jacques Michel (à gauche sur la photo) fonde les Colibris au début des années 1960. Le chanteur a 20 ans au moment de la prise de la photo. 

De rares coiffeurs 

À l’avant, une cliente relaxe sous la hotte d’un séchoir à cheveux de marque Helene Curtis. À l’arrière, le coiffeur et ses aides prennent la pose avec une autre cliente. Dans les années 1950, peu d’hommes pratiquent la coiffure à Sherbrooke. Entre 1955 et 1957, seuls deux coiffeurs s’annoncent clairement dans les bottins téléphoniques : Gonzague Rancourt et Albert Baker. 

Des incontournables d'hier et d'aujourd'hui 

La première photographie montre Louis Mobile Luncheonette, avant 1957. Le motorisé, stationné devant les numéros civiques 1 à 19 de la rue King Ouest, à proximité du pont Aylmer, dessert les employés des commerces et des usines du centre-ville, dont la S. Rubin Ltd. Véritable institution à Sherbrooke, les restaurants Louis existent toujours. 

La seconde montre la Banque Canadienne de Commerce, la bibliothèque municipale et la Stanstead & Sherbrooke Insurance Company de la rue Dufferin à Sherbrooke, 1964. Aujourd’hui, les mêmes édifices accueillent le Musée des beaux-arts de Sherbrooke, la Société d’histoire de Sherbrooke, la firme Espace Vital Architecture et une compagnie d’assurances.

Cet article a été publié une première fois sur le blogue Instantanés le 22 février 2018. Il a été écrit en collaboration avec Hélène Liard, agente de bureau et France Monty, technicienne en documentation.