Gravure d'un boeuf canadien et d'une vache canadienne par William Evans
« Bœuf canadien et vache canadienne », gravures dans William Evans, Traité théorique et pratique de l'agriculture, adapté à la culture et à l'économie des productions animales et végétales de cet art en Canada […], Montréal, Louis Perrault, 1836, entre p. 276 et 277.

William Evans et la presse agricole

Homme de terrain et homme de lettres, William Evans (1786-1857) réunit l’agriculture et l’écriture. Au nom de l’économie rurale du Bas-Canada, il lance le premier périodique en français à l’intention des cultivateurs : Le Journal d’agriculture canadien.

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C’est vers 1819 que l’agriculteur William Evans s’établit à Côte-Saint-Paul, sur l’île de Montréal, afin d’y exploiter une ferme au bord du canal de Lachine. Exercé à l’élevage du bétail dans son Irlande natale, dans le comté de Galway, Evans s’attelle sans tarder à la tâche de promouvoir l’agriculture sur sa terre d’accueil. À cette fin, il lance le journalisme agricole au Québec et au Canada.

À l’arrivée d’Evans, l’agriculture ne fait guère l’objet de promotion. Tout au plus celle-ci est-elle laissée entre les mains des sociétés d’agriculture de districts. Par exemple, sur la base d’un acte adopté en 1818[1], elles organisent des expositions qui récompensent les cultivateurs les plus méritants du Bas-Canada. Les initiatives au profit de l’avancement agricole sont donc portées par quelques pionniers. William Evans est du nombre. Selon Pierre-Joseph-Olivier Chauveau, homme politique influent de son époque, l’agriculteur irlandais « ne tarda pas à causer, par ses exemples autant que par ses préceptes, une petite révolution autour de lui[2]  ».

 

Studio of Inglis, «W.M. Evans», photographie dans J. Douglas Borthwick, Montreal–Its history, to which is added biographical sketches, with photographs, of many of its principal citizens, Montréal, Drysdale and Co., stationers and booksellers, 1875, p. 70.

En ce sens, William Evans prend la plume. Pour cet agronome avant la lettre, l’amélioration de la ferme, à petite échelle, est un levier essentiel à l’épanouissement économique du pays. À la source de cette réaction en chaîne se trouve l’écrit, qui rend possible la transmission des connaissances. Ainsi, en 1835, il publie un premier ouvrage en faveur de l’avancée de l’agriculture et à l’usage des cultivateurs. Ce livre sera traduit en français l’année suivante sous le titre Traité théorique et pratique de l'agriculture, adapté à la culture et à l’économie des productions animales et végétales de cet art en Canada […].

Parallèlement à ce livre et aux autres publications qu’il fera paraître au fil des ans, Evans conçoit un journal voué à la question agricole : le Canadian Quarterly Agricultural and Industrial Magazine. Imprimé à Montréal, ce périodique voit le jour en mai 1838, mais s’éteint presque aussitôt. En janvier 1844, William Evans revient à la charge avec The Canadian Agricultural Journal, un mensuel. Ce « grand ami des cultivateurs canadiens-français[3] » en propose aussi une traduction intitulée Le Journal d’agriculture canadien. On y traite notamment des techniques particulières à certaines cultures, des conditions climatiques ou encore des prix du marché.

Continuellement au service de l’agriculture, William Evans développe de ses mains une « ferme-modèle »[4] prospère : selon le recensement de 1851, son exploitation compte 150 acres en culture, cinq employés et un cheptel de 32 têtes. Dès 1830, il participe aussi remarquablement aux activités de la Société d’agriculture du district de Montréal à titre de secrétaire. Puis, il occupe la même fonction à partir de 1847 au sein de la Société d’agriculture du Bas-Canada. Son fils, qui s’appelle lui aussi William Evans, suit ses traces en ouvrant, en 1855, un magasin de semences et d’instruments aratoires au marché Sainte-Anne à Montréal.

 

« Faucheuse à pelouse Excelsior, pour cheval », gravure dans William Evans, Catalogue illustré de William Evans, Montréal, s.é., vers 1878, p. 113.

À la suite du décès d’Evans père en 1857, Joseph-Xavier Perrault, premier agronome canadien français, reprend la rédaction du mensuel, maintenant intitulé le Journal de l'agriculteur et des travaux de la Chambre d'agriculture du Bas-Canada. Le dernier numéro paraît en 1868. Malgré le rayonnement limité de cette publication auprès des cultivateurs, on peut dire que William Evans a inauguré le journalisme agricole au pays. D’ailleurs, des périodiques toujours publiés de nos jours comme Le Bulletin des agriculteurs, La Terre de chez nous et le Coopérateur témoignent de la pertinence de la presse écrite au service du savoir agricole.

Cet article est adapté de l’édition papier d’À rayons ouverts numéro 110, publiée en 2022 par Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Pour lire l'ensemble du numéro.

Sources consultées

[1] « Acte pour l’encouragement de l’agriculture dans cette province », dans A Provincial Statute of Lower-Canada / Statut provincial du Bas-Canada, Québec, P. E. Desbarats, 1818, p. 41-45, canadiana.ca/view/oocihm.9_00926_28/3 (consulté le 9 août 2022).

[2] Pierre-Joseph-Olivier Chauveau, « Biographie canadienne – William Evans, l’agronome », Journal de l'instruction publique, vol. 1, no 2, février 1857, p. 33, numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2640939 (consulté le 9 août 2022).

[3] Firmin Létourneau, Histoire de l'agriculture (Canada français), s. l., s. é., 1968, p. 123.

[4] Pierre-Joseph-Olivier Chauveau, op. cit., p. 34.