Un maréchal-ferrant en train de ferrer un cheval
« Le maréchal ferrant » dans L’Opinion publique, vol. 2, no 44, 2 novembre 1871, p. 531.

Montréal, au cœur de la médecine vétérinaire

Avec sa dense population de chevaux, Montréal est l’endroit tout désigné pour jeter les bases de l’enseignement de la médecine vétérinaire au Québec en 1866. En fondant le Montreal Veterinary College, Duncan McEachran valorise et démocratise cette science qui était jusqu’alors marginale au pays.

À rayons ouverts Histoire du Québec Santé et médecine

Au milieu du XIXe siècle, Montréal est non seulement la ville la plus populeuse du Canada, mais aussi celle où l’on trouve le plus de chevaux[1]. Pourtant, les vétérinaires qualifiés se comptent sur les doigts d’une main, et encore! Pour cause, jusqu’en 1862, il n’existe pas de cours voués à former les vétérinaires au Canada. Vu le manque de spécialistes, les soins aux animaux sont bien souvent assurés par les maréchaux-ferrants... et même par des charlatans. À titre comparatif, la première école vétérinaire d’Occident est fondée en France en 1762. L’Angleterre suit en 1791 et l’Écosse, en 1823.

À Montréal, le premier document publié témoignant d’une volonté de former des vétérinaires serait une annonce parue dans le journal La Minerve en 1844. Joseph Fohr, possiblement le premier vétérinaire de France pratiquant à Montréal, signale dans cette publication qu’il « prend des élèves » (2 septembre 1844, p. 4). Bien qu’informelle, cette offre de formation laisse deviner une nécessité : éduquer la relève. Ce besoin sera réitéré en 1851 par les vétérinaires anglophones James Mason et J. B. Turner[2], qui souhaitent fonder une école. Malgré des annonces répétées appelant aux inscriptions, le projet est abandonné la même année pour des raisons qui demeurent inconnues.

[1]. Philip M. Teigen, « The Establishment of the Montreal Veterinary College 1866/67-1874/75 », Canadian Veterinary Journal, vol. 29, février 1988, p. 186. 

[2]. La littérature contemporaine confond parfois J. B. Turner avec James Turner, un vétérinaire écossais diplômé du collège d’Édimbourg ayant pratiqué à Montréal de 1833 jusqu’à sa mort en 1849. 

« Montreal Veterinary School [...] », annonce tirée du Montreal Herald and Daily Commercial Gazette, 29 septembre 1866, p. 1.

Il faut attendre l’arrivée de Duncan McEachran pour qu’un réel cadre d’enseignement vétérinaire soit finalement instauré. C’est avec un diplôme de l’Edinburgh Veterinary College et un permis d’exercice du Royal College of Veterinary Surgeons du Royaume-Uni que McEachran immigre au Haut-Canada en 1862. Après avoir participé à la fondation de la Veterinary School à Toronto la même année, celui-ci se dirige vers Montréal en 1866. Du haut de ses 25 ans, il rallie en l’espace de quelques mois la chambre d’agriculture du Bas-Canada ainsi que les instances du McGill College et de sa Faculté de médecine à sa cause : fonder une école vétérinaire.

Dès l’automne 1866, le Montreal Veterinary College ouvre ses portes. La vision de McEachran est claire : recruter des étudiants qui embrasseront la profession et offrir une formation exhaustive. Pour ce faire, l’admission est régie par des examens d’entrée, un concept alors avant-gardiste pour les écoles vétérinaires, et la durée du cursus est supérieure à celle des institutions de même vocation ailleurs dans le monde. Les cours dispensés portent sur l’anatomie vétérinaire, la physiologie, la chimie théorique et pratique, la botanique et la dissection. Les étudiants partagent leur temps entre l’assistance aux cours, la préparation de médicaments, le travail à l’infirmerie de chevaux et les visites des grandes écuries de la ville, entre autres. Rapidement, la modeste école se positionne parmi les meilleures du continent. L’expertise des spécialistes et des apprentis montréalais est d’ailleurs fortement mise à profit en 1872 alors qu’une épidémie de grippe équine frappe l’Amérique du Nord[3].

[3]. Département de l’Agriculture et des Travaux publics, Rapport général du commissaire de l’agriculture et des travaux publics de la province de Québec, Montréal, La Minerve, 1873-1874, p. XXXV. 

Montreal : The Veterinary College [Le collège vétérinaire de Montréal], 1875. Archives nationales à Montréal, collection Édouard-Zotique Massicotte, albums de rues (MAS 8-95-b).

À partir de 1877, les élèves peuvent se prévaloir d’une instruction dans la langue de Voltaire grâce à la création de la section francophone du Montreal Veterinary College — un souhait que McEachran entretenait depuis les tout débuts. Une école concurrente est fondée en 1886 : l’École vétérinaire française de Montréal. 

Force est de constater que pour une ville jadis privée de vétérinaires, Montréal a certainement rattrapé son retard en devenant un centre névralgique de la formation en soin des animaux. Elle conservera cette réputation jusqu’au début du XXe siècle, moment qui marque l’arrivée de l’automobile et, inévitablement, le déclin de la population équine. L’enseignement, qui était alors surtout ancré dans le secteur urbain, se tournera vers d’autres défis, ceux des milieux ruraux.

Cet article est adapté de l’édition papier d’À rayons ouverts numéro 110, publiée en 2022 par Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Pour lire l'ensemble du numéro