Les Montréalais de 1825
Grâce à l’esprit visionnaire de Jacques Viger, le recensement de 1825 atteint un niveau de précision sans précédent. Les précieuses informations qu’il collige en visitant les foyers forment un portrait exhaustif de la population montréalaise 65 ans après la Conquête.
Le commissaire Viger
Premier maire de Montréal (1833-1836), Jacques Viger est un visage important de la ville. Dans sa jeunesse, il est rédacteur au journal Le Canadien. En 1812, il participe à la guerre anglo-américaine comme capitaine de milice pour les Britanniques. Puis, en 1813, il est nommé inspecteur des grands chemins, rues, ruelles et ponts de Montréal. Il est alors le principal fonctionnaire de la ville.
Le 22 mars 1825, le gouvernement du Bas-Canada promulgue une loi ordonnant la tenue d’un recensement dans tous les comtés de la province. Jacques Viger est alors un fonctionnaire montréalais hautement respecté. Il est nommé commissaire du recensement pour le comté de Montréal, et doit parcourir toute l’île pour recenser sa population. Pour réaliser ce travail complexe, Viger s’adjoint Louis Guy, un notaire et l’un de ses frères d’armes durant la guerre de 1812.
Le recensement officiel
La loi ordonnant la tenue du recensement dans tous les comtés du Bas-Canada pose certaines balises. Premièrement, le recensement doit être effectué entre le 20 juin et le 20 septembre 1825. Deuxièmement, la loi prévoit 12 questions que doivent poser les commissaires aux citoyens : par exemple, le nom du chef de famille, le nombre de personnes dans la famille et leur distribution selon l’âge, le sexe et l’état matrimonial. Troisièmement, on oblige la population à répondre aux commissaires. Les citoyens qui refusent de collaborer s’exposent à des amendes. Finalement, la loi oblige les commissaires à remettre quatre copies de leur travail : une copie pour le curé de la paroisse, une pour chacune des deux chambres du Parlement et une pour les archives.
L’heureuse initiative de Viger
En plus de ces exigences, Jacques Viger décide d’ajouter plusieurs questions pour documenter la vie des Montréalais. Il indique notamment le nombre de maisons habitées, fermées ou en construction, les matériaux des bâtiments (bois ou pierre), la religion, le lieu de naissance et l’occupation des habitants, et la fréquentation scolaire. Cette initiative personnelle fait du dénombrement de Jacques Viger l’un des recensements les plus complets effectués jusque-là. Il faudra attendre 1851 pour avoir un recensement aussi précis.
En trois mois, Jacques Viger et Louis Guy visitent près de 6875 foyers et rencontrent plus de 22 500 personnes. La précision et l’exhaustivité de leur travail permettent de brosser un portrait précis de Montréal en 1825. Sur les 22 540 habitants que compte alors la ville, Jacques Viger nous fait connaître la profession de 8656 personnes, soit 38,4 % de la population. Le dénombrement donne ainsi une bonne idée de la vie socioéconomique de Montréal. Ce n’est qu’en 1871 que le recensement des professions atteindra de nouveau un pourcentage aussi élevé.
En septembre 1825, Jacques Viger dépose les quatre copies officielles de son dénombrement. Cependant, il prépare également un cinquième exemplaire, qu’il conserve. Cette version privée est la plus complète. Jacques Viger y insère plusieurs pages de statistiques et de nombreuses notes personnelles.
La version officielle du dénombrement de 1825 se trouve aux Archives nationales du Canada. La version privée de Jacques Viger est conservée aux Archives nationales à Montréal.
Cet article est la version révisée d’un texte publié dans le blogue Instantanés de BAnQ le 9 juin 2021, sous le titre Le dénombrement de Jacques Viger : un portrait de Montréal en 1825.