Papillons monarques sur une plante asclépiade
Papillons monarques sur une plante asclépiade

Les vertus d’une plante : l’asclépiade

Connaissez-vous l’asclépiade? Considérée comme une mauvaise herbe, cette plante joue pourtant un rôle essentiel à la survie des papillons monarques, une espèce menacée d’extinction. Quelles sont donc les caractéristiques de cette plante qui intrigue les chercheurs depuis plusieurs siècles?

Environnement Sciences naturelles Photographies et iconographie documentaire

Premières mentions

Au Québec, le genre asclepias correspond aux quatre espèces indigènes suivantes :

  • L’asclépiade commune ou asclepias syriaca
  • L’asclépiade incarnate ou asclepias incarnata
  • L’asclépiade très grande ou asclepias exaltata (espèce peu commune)
  • L’asclépiade tubéreuse ou asclépiade de l’intérieur ou asclepias tuberosa var. interior (espèce désignée menacée au Québec)

Dès 1635, le médecin et botaniste parisien Jacques Philippe Cornut illustre et décrit l’asclépiade dans son livre Canadensium, le premier traité de botanique portant sur l’Amérique du Nord.

Toutefois, il n’est pas le premier à mentionner l’existence de cette plante aux fibres soyeuses. L’explorateur Jacques Cartier et l’avocat, voyageur et écrivain Marc Lescarbot l’avaient fait bien avant. Quoi qu’il en soit, cette plante défie le temps par l’intérêt que les autochtones, explorateurs, botanistes, soldats, gourmets, scientifiques, ingénieurs et entrepreneurs lui réservent.

Dans les collections de la Bibliothèque nationale, on trouve les descriptions et illustrations de cette plante dans au moins trois ouvrages. Deux de ceux-ci sont considérés comme majeurs dans l’histoire de la botanique au Québec : ceux de l’abbé Provancher et du frère Marie-Victorin.

Léon Provancher, Flore canadienne…, Québec, Joseph Darveau, imprimeur-éditeur, 1862, p. 395.
Édouard-Zotique Massicotte, Monographies de plantes canadiennes…, Montréal, C. O. Beauchemin & fils, libraires-éditeurs, 1899, p. 86.
Frère Marie-Victorin, Flore laurentienne, Montréal, Imprimerie de La Salle, 1935, p. 519.

L’asclépiade: utile ou toxique?

Les mentions de l’asclépiade dans les livres des collections de la Bibliothèque nationale témoignent des différentes utilités de la plante au fil du temps. Il y a longtemps, les autochtones utilisaient la fibre de sa tige pour fabriquer de la corde.

Par la suite, le chirurgien, médecin et naturaliste Michel Sarrazin rapporte que le nectar des fleurs d’asclépiade est sucré. Le missionnaire jésuite français Louis Nicolas, quant à lui, évoque même le terme de « miel ». Le chimiste et apothicaire Samuel Sturton attribuait des propriétés magiques aux fleurs de l’asclépiade, car coupées, elles se déplaçaient toutes seules, disait-il. Les mouvements des fleurs étaient dus en fait à la forte présence d’insectes.

Récemment, les propriétés isolantes de la fibre intéressent les ingénieurs. La fibre soyeuse produite à partir de l’aigrette de la graine est utilisée dans le rembourrage des gilets de sauvetage et des duvets et la fabrication de vêtements chauds. Pour ces raisons, l’asclépiade est appelée herbe à ouate, herbe à coton ou cotonnier.

Le Centre antipoison du Québec classe toutefois l’asclépiade dans sa liste des plantes indigènes et cultivées toxiques pour les humains et la majorité des animaux. Les boutons floraux, les tiges, les feuilles et les fruits seraient comestibles, mais seulement lorsqu’ils seraient en début de maturité. Les jeunes pousses printanières pourraient être consommées comme des asperges, d’où leur appellation d’asperges sauvages.

L’asclépiade est enfin connue sous le nom de cochon de lait, car elle produit un latex de couleur blanchâtre, qui est toxique. Cette substance a déjà été utilisée pour la fabrication de caoutchouc.

Une plante toujours d’actualité

Aujourd’hui, l’asclépiade est une plante essentielle à la survie des papillons monarques En effet, les femelles des papillons monarques pondent leurs œufs sur les feuilles de l’asclépiade et les larves se nourrissent exclusivement de cette plante, ce qui les rend toxiques pour les prédateurs.

Au XXIe siècle, les scientifiques s’intéressent particulièrement aux fibres de cellulose des soies, des graines et de la tige de l’asclépiade. Ces dernières ont des propriétés ultra-absorbantes; elles peuvent notamment absorber les huiles, ce qui en fait une plante de premier choix pour la décontamination à la suite des marées noires. L’asclépiade n’a certainement pas fini de nous surprendre!

Cet article est une version révisée d’un texte publié dans le blogue Carnet de la Bibliothèque nationale le 2 novembre 2018.

Sources consultées

ANGIER, Bradford, Guide des plantes sauvages médicinales, La Prairie, Éditions Broquet, 1990, p. 47-51.

ASSELIN, Alain, Curieuses histoires de plantes du Canada, Québec, Septentrion, 2014, tome 1, p. 108-112.

ASSINIWI, Bernard, La médecine des Indiens d’Amérique, Montréal, Guérin littérature, 1988, p. 90-91.

BARRIAULT, Diane, « Asclepias syriaca », Comité régional pour la protection des falaises, en ligne (consulté le 4 août 2022).

BOUCHARD, Marie-Pier, « RIDA : une solution à base d’asclépiade en cas de déversement d’hydrocarbures », Ici Mauricie-Centre-du-Québec, en ligne (consulté le 4 août 2022).

CENTRE INTÉGRÉ UNIVERSITAIRE DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX DE LA CAPITALE-NATIONALE, « Des plantes toxiques chez nous? C’est le bouquet! », Centre antipoison du Québec, (consulté le 25 juillet 2022).

DAGENAIS, Danielle, « Commune mais pas banale, l’asclépiade », Le Devoir, 27 juin 1998, p. A10.

DOYON, Dominique, Inventaire des mauvaises herbes dans les cultures du Québec (1980-1984), Québec, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, 1987.

DUBOIS, Pierre, « L’asclépiade : du coton québécois », Interface, mai 1992, p. 49.

FÉRON, Frédérique, « L’asclépiade, la plante miracle à tout faire », @Paris Match, 14 décembre 2016, en ligne (consulté le 4 août 2022).

GERMAIN-THÉRIEN, Chloé, Plantes urbaines médicinales & comestibles, Montréal, C. Germain-Thérien, 2009, p. 8-11.

GINGRAS, Pierre, « Asclépiade toxique », LaPresse.ca, 18 octobre 2010, en ligne (consulté le 4 août 2022).

LAMBERT, John, Voyage au Canada dans les années 1806, 1807 et 1808, Québec, Septentrion, 2006, p. 279-281.

LEGAL, Gérald, Aventure sauvage – de la cueillette à l’assiette, Salaberry-de-Valleyfield, Marcel Broquet, 2016, p. 78-82.

LEPRINCE, Jean-Michel, Chronique Innovation : L'asclépiade, la soie d'Amérique, Montréal, Société Radio-Canada, 2014.

« Les asclépiades indigènes du Québec », Espace pour la vie, en ligne (consulté le 4 août 2022).

TISON, Marie, « Le timide retour de l’asclépiade », La Presse +, 8 novembre 2021.