Ne m’oubliez pas au collège!
Le 23 décembre 1874, le jeune Victor Papineau envoie une charmante lettre à sa mère, Louisa. Craint-il de passer les Fêtes au collège loin des siens? Le contenu de sa lettre le laisse penser.
Loin de la famille pour les études
Au XIXe siècle, le Collège Masson de Terrebonne, situé à quelques kilomètres au nord de Montréal, accueille de nombreux élèves de cette ville, dont le fils cadet de Louisa (née Trudeau) et Augustin-Cyrille Papineau, Victor.
À sa fondation en 1847, le collège dispense un enseignement classique qui doit ouvrir les portes à des études de niveau universitaire ou à la prêtrise. Il offre également un cours commercial. En raison de la compétition entre collèges dans la région, l’enseignement classique est abandonné en 1867 au profit du cours commercial et d’un cours scientifique.
Le collège Masson, bilingue, compte même parmi ses cohortes des étudiants américains.
Mère, vous êtes là ?
Le 23 décembre 1874, le jeune pensionnaire Victor Papineau, 14 ans, écrit une lettre à sa mère dans laquelle il exprime sa crainte de ne pas être avec la famille à Noël. Il vient d’apprendre que son frère Gustave ne peut pas venir le chercher avant la veille du jour de l'An. Mais le jeune Victor est tenace :
« Mais comme Joseph a dut [sic] vous le dire, [ses vacances] commencent la veille du jour de l’an de sorte qu’il pourra venir. Tâchez s’il vous plais [sic] d’envoyer me chercher le soir pour que je parte la veille du jour de l’an, au matin. »
Des bonnes notes
Plutôt satisfait des résultats scolaires obtenus « à la dernière proclamation » [des notes], le jeune homme souhaite sans doute que ses efforts soient récompensés. Avec une pointe d’humour, il réclame « un chartier [charretier] qui a un bon cheval pour trotter » afin qu'il puisse se rendre vite à la maison et retrouver sa famille à temps pour la soirée du Nouvel An. Au XIXe siècle, cette célébration était beaucoup plus attendue que le soir de Noël : les cadeaux étaient échangés au jour de l’An. C’est aussi ce jour-là qu’avait lieu la traditionnelle bénédiction de la famille.
Le jeune Victor poursuit sa lettre en précisant qu’il verra sa mère et toute la parenté « dans 7 jours » et qu’il « termine [sa] lettre en attendant arriver le jour de l’an ». Le message est clair!
Retour en ville
Malheureusement, Victor fréquentera peu le Collège Masson après les vacances de fin d'année. La maison d'enseignement est réduite en cendres par un incendie le 11 janvier 1875.
Comme plusieurs élèves pensionnaires du collège de Terrebonne, l’enfant de Louisa et Augustin-Cyrille Papineau va terminer son année scolaire à Montréal et vivre parmi ses proches. Ce changement ne semble pas trop lui déplaire d’après son frère Gustave qui écrit à leur sœur, Marie :
« Victor se plaît bien à l’école ici [Montréal], il a retrouvé plusieurs de ses anciens compagnons de Terrebonne… il est bien content de se trouver avec nos parents. »
Peut-être que le jeune Victor ne souhaitait pas être avec la famille seulement pour le jour de l’An, après tout…
Pour aller plus loin
Fonds succession Joseph Masson
Pour une photographie du Collège Masson
Wilfrid LeMaistre de Lottinville, « Le Collège Masson de Terrebonne », Bulletin des recherches historiques, août 1947, p. 249-252. Accessible sur BAnQ numérique
Cet article est une version révisée d’un texte publié dans le blogue Instantanés de BAnQ, le 8 décembre 2020.