Illustration. Des gens dansent et d'autres discutent pendant qu'un homme joue du violon.
Edmond-Joseph Massicotte, Une veillée d'autrefois, 36 X 45 cm, s. l., s. é., 1915.

Les réveillons de Noël d’antan au Québec

Sapin, crèche, messe de minuit, réveillon : ce n’est pas d’hier que le Québec célèbre Noël. Nous avons fouillé dans les collections de BAnQ afin de vous offrir un tour d’horizon de ce qui caractérisait cette fête au tournant du XXe siècle. 

Histoire du Québec (1867-1944)

D’une génération à l’autre, les souvenirs marquants liés à Noël varient. Pour les uns, c’est l’excitation de recevoir le catalogue des magasins Sears pour y encercler les jouets à demander au père Noël. D’autres se souviennent que les oranges, rares au Québec à l’époque, faisaient partie des surprises dans le bas de Noël. Certains retrouvent la fébrilité de leur jeunesse, alors que leurs parents les réveillaient juste avant les 12 coups de minuit pour les festivités. Outre les décorations, les cadeaux et les chansons, un élément revient toujours : le plaisir de se rassembler. 

Les décorations

Si l’origine du sapin de Noël est incertaine, la popularité de cette tradition prit énormément d’ampleur aux XIXe et XXe siècles[note 1].

Les foyers du Royaume-Uni ont adopté, pour la plupart, la tradition de l’arbre de Noël à la suite de la publication d’un dessin de la famille royale anglaise rassemblée autour d’un arbre de Noël dans l’Illustrated London News en 1848. L’arbre était décoré de divers produits comme des bonbons, des fruits, des décorations faites à la main et des bougies[note 2]. Cela nous semble aujourd’hui un mélange bien dangereux…

Au Canada, c’est à Westmount qu’on trouve un des premiers sapins de Noël illuminés par des ampoules plutôt qu’avec des bougies, en 1896.

Plusieurs familles adoptent la tradition et vont couper un sapin dans la forêt à l'approche de Noël.

La crèche 

La crèche de Noël est un incontournable depuis l’époque de la Nouvelle-France. Cependant, elle a été longtemps réservée aux églises. Les foyers canadiens l’adoptent environ au même moment que le sapin de Noël, à la fin du XIXe siècle.

L’arbre de Noël décoré, la crèche montée et les cadeaux achetés, il ne reste plus qu’à attendre avec impatience le 24 décembre.

La messe de minuit

Plusieurs contes et récits de Noël illustrent l’arrivée à la messe de minuit comme le moment d’une douce féérie. L’église émerge de la noirceur où « l’on voit scintiller comme des étoiles les feux brillants d’une lumière qui s’infiltre à travers les vitraux colorés[note 3] ».

L’office nocturne semble être l’ultime expérience mystique. Mistigris, dans Le Samedi en 1902, offre un éloquent portrait de l’effet que peut faire cet événement sur les enfants :

« La foule, les cérémonies à l’autel, l’assaut porté par les communiants à la Sainte-Table, le décor et, par-dessus tout, l’Enfant-Jésus, tout cela ravit les petits dans un autre monde et jette dans un coin de leur âme une impression dont il restera toujours quelque chose[note 4] ».

- Mistigris

Lors de la célébration, tous les fidèles se rassemblent afin de chanter les cantiques de Noël, transmis de génération en génération depuis de nombreuses années déjà. Dès la fin des années 1790, on trouve des traces des chansons Ça bergers et Les anges dans nos campagnes[note 5]. Quant au cantique Minuit, chrétiens, il aurait été chanté pour la première fois au Québec en 1858[note 6]. Il devient rapidement un classique; on en trouve d’ailleurs les paroles dans les journaux du début du XXe siècle. Ce sera toutefois Ernest Gagnon qui popularisera les airs de Noël dans les Cantiques populaires du Canada français.

La messe terminée, le parvis de l’église s’emplit des voix des fidèles. Toutes les familles reprennent le chemin de la maison pour le réveillon. Les illustrations ci-dessous montrent que la situation à la ville est bien différente de celle à la campagne. Selon la distance à parcourir, les familles pouvaient rentrer à la maison à pied ou devaient atteler la carriole. La carriole semble d’ailleurs un sujet fétiche des illustrateurs de l’époque. Nous aimerions bien nous aussi nous glisser sous une chaude couverture et parcourir les routes au doux son des sabots.

Le réveillon

Souvent, la mère ou la grand-mère doit se priver de la messe de minuit. Elle est responsable de concocter les mets qui souligneront l’importance des festivités et de rester avec les jeunes enfants qui ne peuvent pas encore assister aux célébrations.

La dinde doit être arrosée, la tourtière veillée. Les croquignoles, le pâté de Noël ou le plum-pudding doivent être finalisés. La gardienne s’assure que « les têtes en fromage et les guertons [cretons] refroidissent en attendant la fringale qu’auront les gens de la messe[note 7] ». Vous pouvez encore retrouver les recettes des plats traditionnels du réveillon dans La cuisine raisonnée, dont la première édition remonte à 1919.  

Arrivés au foyer, les convives doivent encore attendre que soient distribués les cadeaux pour enfin se mettre à table. Le festin servi, la maisonnée se rassemble autour de l’abondant repas. Lorsque la faim se calme et que l’ivresse émoustille, les jambes se délient, les chaises sont tirées : l’heure de la danse a sonné!

Qu’on parle de gigue, de rigodon, de « tapeux de pieds », les familles québécoises mettaient la musique et la danse à l’honneur pendant ces soirées festives et rassembleuses. Plusieurs groupes de musique d’aujourd’hui essaient de garder cette tradition vivante, parfois en réinventant la musique traditionnelle québécoise. Pensons aux Charbonniers de l’enfer, au Vent du nord, à la Bottine souriante et aux Tireux d’roches, entre autres.

Notes

Note 1 : James H. Marsh, «Noël au Canada», L’encyclopédie canadienne, 14 décembre 2011.

Note 2 : Émilie Guilbeault-Cayer et Marie-Ève Ouellet, La Noël au temps des carrioles  Le temps des Fêtes à Québec du XVIIe au XXe siècleQuébec, Septentrion, 2019.

Note 3 : Frasquita, « Ma première messe de minuit entendue », Le Passe-temps, vol. 29, no 723, 6 janvier 1923, p. 2.

Note 4 : Mistigris, « Carnet éditorial », Le Samedi, 20 décembre 1902, p. 8.

Note 5 : Pierre Lahoud et Sylvie Blais, La fête de Noël au Québec, Montréal, Éditions de l’Homme, 2007, p. 39.

Note 6 : Ibid., p. 98.

Note 7 : Paul-E. Monarque, « Une messe de minuit à la campagne », Les premiers coups d’ailes, Montréal, Les clercs de Saint-Viateur, 1918, 249 p.

BLAIS, Sylvie et Pierre LAHOUD, La fête de Noël au QuébecMontréal, Les éditions de l’Homme, 2007, 500 p.

FRASQUITA, « Ma première messe de minuit entendue », Le Passe-temps, vol. 29, no 723, 6 janvier 1923, p. 2.

GULBEAULT, Émilie et Marie-Ève OUELLET, La Noël au temps des carrioles. Le temps des Fêtes à Québec du XVIIe au XXe siècle2019, 96 p.

MARSH, James H., « Noël au Canada », L’encyclopédie canadienne, 14 décembre 2011.

MASSICOTTE, Edmond-Joseph, Nos Canadiens d'autrefois - 12 grandes compositions, Montréal, Éditeurs Librairie Granger frères limitée, 1923, 52 p.

MISTIGRIS, « Carnet éditorial », Le samedi, 20 décembre 1902, p. 8.

MONARQUE, Paul-E., « Une messe de minuit à la campagne », Les premiers coups d’ailes, Montréal, Les clercs de Saint-Viateur, 1918, 249 p.