Jeanne Mance, fondatrice des Hospitalières de Montréal, gravure, 1882
Jeanne Mance, fondatrice des Hospitalières de Montréal, gravure, 1882. Archives nationales à Montréal, fonds Famille Bourassa (P266, S4, P78). Photographe non identifié.

Les dernières volontés de Jeanne Mance

Des documents extraordinaires sont conservés dans les 10 centres d’archives de BAnQ. À Montréal, l’un d’entre eux est le testament de Jeanne Mance (1606-1673), cofondatrice de Ville-Marie, devenue Montréal. Son histoire est un voyage fascinant dans le temps.       

Histoire du Québec (1608-1759) Archives notariales

Un legs consacré tout entier à Ville-Marie

Le notaire qui se voit confier le dépôt du testament de Jeanne Mance s’appelle Bénigne Basset dit Deslauriers (1628-1699). Arrivé à Ville-Marie vers 1657 avec les Sulpiciens, il est nommé notaire royal en 1663. Basset rédige l’acte du testament de la cofondatrice de Montréal le 16 février 1672, ainsi qu’un codicille [note 1], le 27 mai 1673. Jeanne Mance décède quelques jours plus tard, le 18 juin 1673. Le notaire est aussitôt chargé de l’inventaire des biens qu’elle possédait et rédige également l’acte du dépôt du cœur de Jeanne Mance dans la chapelle du premier hôpital de l’Hôtel-Dieu, situé dans le Vieux-Montréal actuel. 

C’est sans surprise que l’on apprend d’abord que Jeanne Mance lègue tout ce qui se trouve dans son appartement aux religieuses et aux malades de l’hôpital. Il en sera de même pour « toute chose » qui pourrait être envoyée de France et adressée à son nom.

Le codicille est encore plus explicite. Jeanne Mance lègue 100 livres pour la construction de la nouvelle église Notre-Dame. Cent livres de plus sont spécifiquement prévues pour un tabernacle – le premier de Notre-Dame. Enfin, Jeanne Mance lègue 200 livres à Marguerite Bourgeoys, fondatrice de la Congrégation de Notre-Dame, en signe de reconnaissance pour tous les services que les religieuses de la Congrégation lui ont rendu.

Un détail sort de l’ordinaire : Jeanne Mance confie également à mère Bourgeoys, pour une durée d’un an, sa filleule Angélique de Sailly, orpheline de père et dont la mère se trouve en France. 

On trouve le testament de cette femme exceptionnelle dans les greffes des notaires du fonds de la Cour supérieure, District judiciaire de Montréal. À lui seul, ce fonds contient près de trois kilomètres de documents textuels, c’est-à-dire de feuilles de papier placées l’une après l’autre.

De tout pour faire un monde

À l’époque de Jeanne Mance, c’est le notaire royal qui est chargé de constituer le greffe, de rédiger les actes et de les conserver. Qu’est-ce que ces mots signifient?

Le mot greffe, dans le domaine du droit, désigne l’ensemble des documents originaux conservés par un notaire. Chaque fois qu’elles veulent conclure un contrat en bonne et due forme, les parties concernées se rencontrent devant un notaire qui l’inscrira dans son greffe. On utilise le mot acte pour désigner ces documents enregistrés par le notaire. Puisqu’il est un officier de l’État, l’acte passé devant le notaire est réputé être vrai et correct.

Pour faciliter le repérage des documents, le greffe est accompagné d’un répertoire et d’un index. Le répertoire indique l’ordre chronologique. L’index est un classement en ordre alphabétique. C’est à l’intendant Gilles Hocquart (1694-1783) que l’on doit l’obligation faite aux notaires de tenir un répertoire et un index. Il est également un grand promoteur de la protection des actes notariés, notamment en obligeant les notaires à s’assurer de la sécurité physique des actes en leur possession en cas d’incendie.

Des ressources de grande valeur pour les chercheurs

Les raisons qui amènent deux parties à se rendre devant un notaire sont variées. En Nouvelle-France, les greffes contenaient entre autres des contrats pour la vente de terrains, des contrats de vente d’immeubles ou de biens mobiliers, des contrats de travail ou d’apprentissage, des actes d’associations, des mariages, des testaments et des inventaires après décès.

Les greffes sont révélateurs des transformations d’une société, de son mode de vie et des conditions dans lesquelles elle expérimente son quotidien. De nos jours, ce sont des instruments privilégiés pour les recherches dans l’histoire locale, notamment parce qu’on y trouve de l’information sur les métiers, les classes sociales, la démographie ou encore l’évolution des mœurs et coutumes. 

Des hommages depuis plus de 350 ans

La mémoire de Jeanne Mance est célébrée depuis longtemps sur le territoire montréalais et au-delà : parc, rue, commission scolaire et, surtout, un monument à sa mémoire.

Situé à l’entrée principale de l’ancien hôpital de l’Hôtel-Dieu, au coin des rue Saint-Urbain et des Pins, le monument en hommage à Jeanne Mance a été inauguré en septembre 1909 à l’occasion du 250e anniversaire de l’arrivée des Hospitalières de Saint-Joseph. C’est une œuvre du sculpteur Louis-Philipe Hébert (1850-1917). 

Note 1 : Le codicille est un document qui enregistre une ou des modifications au testament sans que celui-ci doive être réécrit. 

Pour aller plus loin 

Livres sur Jeanne Mance et son époque

Marie Claire Daveluy, Jeanne Mance, 1606-1673, suivi d'un Essai généalogique sur les Mance et les De Mance, de Jacques Laurent

Françoise Deroy-Pineau, Jeanne Mance – De Langres à Montréal, la passion de soigner

Eugène Hugues, Le vrai visage de Jeanne Mance

Dom Guy-Marie Oury, Jeanne Mance et le rêve de M. De La Dauversière

Film

La folle entreprise – Sur les pas de Jeanne Mance, écrit et réalisé par Annabel Loyola