Le canal de Lachine : 200 ans plus tard

Depuis septembre 1824[note 1], le canal de Lachine est en partie ouvert à la navigation, contribuant progressivement à l’essor économique de Montréal. Parcours en images de cinq sites incontournables disséminés au fil de ce lieu emblématique.

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Vue du canal de Lachine, sur laquelle on aperçoit des canots accostés le long de quais.

1. Quai à farine du bassin Peel – Enseigne Farine Five Roses

Amorçons cette promenade par une figure dominante du Vieux-Port de Montréal. L’enseigne installée sur l’édifice de la minoterie (moulin industriel) a d’abord été érigée par la Ogilvie Flour Mills Co., qui s’est établie à Montréal en 1946[note 2]. La compagnie Lake of the Wood Milling, détentrice de la marque de farine Five Roses, en devient la propriétaire en 1954. L’affiche cède ainsi sa place au fameux « Farine Five Roses Flour » dans les années 1960. Par soir de beau temps, cette enseigne lumineuse peut être vue à des kilomètres de distance et constitue un repère notoire pour les marcheurs dans ce secteur prisé des visiteurs. Depuis son acquisition par la minoterie ADM dans les années 1990[note 3], l’enseigne continue de briller à Montréal et d’attirer l’attention, si bien qu’en novembre 2020 le panneau a été reconnu comme étant d’intérêt patrimonial dans Ville-Marie[note 4].

2. Pont tournant Wellington et tour Wellington

Poursuivons cette découverte du canal en nous dirigeant vers l’ouest, afin d’entrevoir une étonnante tour d’aiguillage. Il s’agit d’un autre site dont l’intérêt patrimonial exceptionnel a été décrété par la Ville de Montréal. La tour d’aiguillage a vu le jour en 1943[note 5]. À l’époque, elle permettait de gérer les nombreux convois ferroviaires qui devaient passer sur le pont tournant Wellington, terminé en 1915, pour traverser d’une rive à l’autre et se rendre au centre-ville de Montréal[note 6]. Il ne reste aujourd’hui que des vestiges du pont tournant Wellington. Quant à la tour, bien qu’elle tienne encore debout, elle a été abandonnée au début des années 2000. Elle a fait l’objet d’un concours visant à lui trouver une nouvelle vocation[note 7].

3. Raffinerie Redpath

Cette balade aux abords du canal nous conduit maintenant vers la raffinerie Redpath, mise sur pied par la plus vieille entreprise de raffinage de sucre de canne au Canada. Établie à Montréal en 1854[note 8], cette entreprise s’est dotée d’un premier bâtiment, qui a fait l’objet de deux agrandissements, en 1871 et à la fin du XIXe siècle[note 9]. La raffinerie Redpath a fortement contribué à l’essor industriel de ce secteur de la ville. Connaissant d’abord une grande prospérité, la raffinerie a fermé en 1876, pour réouvrir en 1879; elle a fermé définitivement ses portes en 1980[note 10]. Heureusement, le complexe a été en partie préservé.

4. Faubourg Sainte-Anne

Éloignons-nous des abords du canal pour repérer le site du faubourg Sainte-Anne, où s’élevait autrefois l’église du même nom. Ce lieu de rassemblement de la population immigrante irlandaise, qui avait élu domicile dans ce quartier ouvrier, a été construit en 1854[note 11]. Après plusieurs décennies de fréquentation fidèle, l’église a été peu à peu désertée, suivant ainsi le déclin industriel du quartier. Elle a finalement été détruite en 1970. L’ancien lieu de culte a inspiré la conception d’un parc où sont mises en valeur les fondations et des pierres provenant du bâtiment, et où sont installés quelques bancs dirigés vers l’ancien autel. Une curiosité apaisante à découvrir.

5. Écluse Saint-Gabriel, parc de la Pointe-des-Seigneurs

Le dernier arrêt proposé se situe à la hauteur de l’écluse Saint-Gabriel (aussi appelée « écluse numéro 3 ») et de la pointe des Seigneurs. Ce secteur compte plusieurs vestiges d’entreprises manufacturières et d’un réseau hydraulique qui les a alimentées en énergie. Les amateurs d’archéologie pourront y faire de belles découvertes : la maison de l’éclusier, des fondations de bâtiments et d’autres artefacts apparents[note 12]. Différents projets immobiliers et des espaces naturels ont été implantés dans ce quartier qui avait été laissé à l’abandon depuis la fin des activités industrielles en bordure du canal[note 13]. Des panneaux et divers outils de signalisation témoignent des énormes transformations vécues dans ce secteur de la ville au cours des dernières années et rappellent ses activités d’origine.

Bref historique du canal de Lachine

Partiellement ouvert à la navigation en septembre 1824[note 14], le canal de Lachine a contribué de plusieurs façons au développement économique de Montréal en raison des industries manufacturières et agroalimentaires installées à proximité. Des minoteries, des industries reliées au fer, au textile ainsi qu’au papier et au carton s’y sont développées[note 15]. Sa construction fut en partie le travail d’ouvriers issus de la population immigrante irlandaise, qui a dessiné le paysage social en prenant racine dans ce secteur aujourd’hui connu sous le nom de Griffintown.

L’essor économique du quartier s’est maintenu pendant plusieurs décennies. Le déclin s’est amorcé avec l’inauguration de la voie maritime du Saint-Laurent, en 1959. Le canal de Lachine a définitivement cessé ses activités industrielles en 1970.

En 1978, Parcs Canada est devenu responsable de la planification et du développement du territoire en bordure du canal. Cette prise en charge a permis de donner un nouveau souffle à cette partie de la ville en révélant ses attraits récréotouristiques. Entre autres, une piste cyclable a été aménagée tout au long du canal et la voie a été rouverte à la navigation de plaisance en 2002. Promoteurs, commerces et entreprises culturelles ont pris le territoire d’assaut et lui ont redonné une nouvelle vitalité. Deux cents ans après son ouverture, le canal de Lachine marque toujours la ville de Montréal de son empreinte singulière.

Ce parcours est inspiré de l’article de blogue Griffintown de Gilles Beaudry.

Sources consultées

[note 1] « La Chine Canal », The Montreal Herald, 11 septembre 1824, p. 1.

[note 2] « L’histoire en bref », Farine Five Roses Art Project, https://www.farinefiveroses.ca/lhistoire-de-lenseigne-en-bref (consulté le 19 juin 2024). 

[note 3] « Complexe du Ogilvie Flour Mills Company Limited », Répertoire du patrimoine culturel du Québec, https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=191018&type=bien (consulté le 19 juin 2024).  

[note 4] « Enseignes d’intérêt patrimonial dans Ville-Marie », Ville de Montréal, https://montreal.ca/articles/enseignes-dinteret-patrimonial-dans-ville-marie-7748 (consulté le 19 juin 2024).  

[note 5] « La tour d’aiguillage Wellington », Encyclopédie du MEM, en ligne.  

[note 6] « Nouveau pont tournant sur le Canal Lachine », La Tribune, 6 mai 1915, p. 3. 

[note 7] « La tour d’aiguillage Wellington », Encyclopédie du MEM, en ligne. 

[note 8] Taylor C. Noakes, « Sucrerie Redpath », L’Encyclopédie canadienne, en ligne.

[note 9] Jean Bélisle et coll., Regards sur un paysage industriel – Le canal de Lachine, Montréal, Centre canadien d’architecture, 1992, p. 19.

[note 10] Taylor C. Noakes, « Sucrerie Redpath », L’Encyclopédie canadienne, en ligne. 

[note 11] Charles Turgeon, « Griffintown, des origines à l’industrialisation », Encyclopédie du MEM, en ligne. 

[note 12] Mélissa Benjamin, « À la rencontre du parc archéologique Pointe-des-Seigneurs », Laboratoire d’histoire et de patrimoine de Montréal, https://lhpm.uqam.ca/en-coulisse/a-la-rencontre-du-parc-archeologique-pointe-des-seigneurs/ (consulté le 19 juin 2024).  

[note 13] Francis Desaulniers, « Canal de Lachine », L’Encyclopédie canadienne, en ligne.

[note 14] « La Chine Canal », The Montreal Herald, 11 septembre 1824, p. 1.

[note 15] « Canal Lachine et l’industrie », GrandQuebec.com, https://grandquebec.com/montreal-histoire/canal-lachine-et-lindustrie (consulté le 19 juin 2024).

Pour aller plus loin 

BEAUDRY, Gilles, Mes quartiers : Griffintown, 7 août 2018, mis à jour en juin 2023, https://mesquartiers.wordpress.com (consulté le 9 juillet 2024). 

DESLOGES, Yvon et Alain GELLY, Le canal de Lachine : du tumulte des flots à l’essor industriel et urbain, 1860-1950, Sillery/Ottawa, Septentrion/Parcs Canada, 2002, 214 p. 

DESJARDINS, Pauline, « Canal de Lachine et son corridor industriel », Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique françaisehttp://www.ameriquefrancaise.org/fr/article-341/canal_de_lachine_et_son_corridor_industriel.html (consulté le 9 juillet 2024). 

DUFOUR, Anne-Marie, « Énoncé d’intérêt patrimonial : Tour d’aiguillage Wellington », Ville de Montréal, Direction de la culture et du patrimoine, Division du patrimoine, 3 avril 2013, https://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/PAGE/PATRIMOINE_URBAIN_FR/MEDIA/DOCUMENTS/TOUR%20WELLINGTON.PDF (consulté le 9 juillet 2024). 

GRANDQUÉBEC.COM, « Canal Lachine et l’industrie », https://grandquebec.com/montreal-histoire/canal-lachine-et-lindustrie/ (consulté le 9 juillet 2024). 

LAFRENIÈRE, Normand, La canalisation du Saint-Laurent : deux siècles de travaux, 1779-1959, Ottawa, Parcs Canada, 1983, 62 p. 

MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DES COMMUNICATIONS, « Canal de Lachine », Répertoire du patrimoine culturel du Québechttps://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?id=105250&methode=consulter&type=bien (consulté le 9 juillet 2024). 

NOËL, Julie. « L’église Sainte-Anne et les Irlandais catholiques de Griffintown », Encyclopédie du MEM, 2 juin 2017, https://ville.montreal.qc.ca/memoiresdesmontrealais/leglise-sainte-anne-et-les-irlandais-catholiques-de-griffintown? (consulté le 9 juillet 2024). 

PARCS CANADA, « Lieu historique national du Canal de Lachine », Lieux historiques nationauxhttps://parcs.canada.ca/lhn-nhs/qc/canallachine (consulté le 9 juillet 2024).