Il y a 50 ans, Montréal accueillait l’élite du vélo

En août 1974, Montréal était l’hôte des Championnats du monde de cyclisme. Retour sur cette compétition qui a notamment permis au public de voir à l’œuvre Eddy Merckx, quintuple vainqueur du Tour de France.

Histoire du Québec (1945-1979) Sports
Coureur cycliste négociant un virage, devant une foule de spectateurs.

Programme, demandez le programme!

Du 14 au 25 août 1974, Montréal reçoit les Championnats du monde de cyclisme. Quelque 800 athlètes d’une cinquantaine de pays se donnent rendez-vous dans la métropole. Ils se partageront une quinzaine de médailles d’or dans huit disciplines, sur piste et sur route.

Ces championnats constituent pour Montréal « le plus important événement sportif avant les Jeux olympiques » qui se tiendront deux ans plus tard.

Parue dans La Patrie, cette publicité nous informe sur les épreuves sur piste et sur route, le prix des billets (relativement abordables en dollars de l’époque) et les lieux où se les procurer en personne (vestige du temps d’avant Internet!).

Le programme de l’événement est résumé dans un dossier exhaustif du quotidien Montréal-matin (14 août 1974). L’équipe de rédaction y met aussi en lumière le travail réalisé par les organisateurs, qui ont réussi à vendre Montréal comme ville hôtesse – la planète vélo tournait à l’époque autour du soleil Europe. Il y est également question de la logistique médicale mise en place pour soigner d’éventuels éclopés sur deux roues.

Dans La Presse (24 juillet 1974, p. 11), le journaliste Pierre Foglia témoigne de l’intérêt du public pour l’événement, malgré quelques couacs dans les préparatifs – une grève a retardé la construction du vélodrome et forcé son installation in extremis à l’Université de Montréal. « À trois semaines exactement de la cérémonie d’ouverture, le succès de ces championnats semble presque assuré. Les billets ne seront mis en vente que le 1er août, mais déjà la demande dépasse les prévisions les plus optimistes. Quelque 5 000 billets ont déjà été réservés par courrier, un amateur de Vancouver ayant même fait parvenir un chèque certifié de 1 600 $ aux organisateurs. »

Un défi de taille pour Radio-Canada

Les Championnats constitueront tout un défi pour la télévision et la radio d’État, rapporte le magazine Ici Radio-Canada (10 août 1974, p. 11-14) : en tant que diffuseur officiel, Radio-Canada aura à produire quotidiennement des émissions pour deux publics différents. D’une part, les émissions diffusées sur les ondes radio-canadiennes mettront de l’avant surtout les performances des cyclistes canadiens. D’autre part, une émission de 45 minutes se limitera strictement aux faits saillants, pour un public international.

Pour effectuer le travail, la chaîne pourra compter sur une équipe de journalistes chevronnés, comprenant entre autres Guy Ferron, Lionel Duval, Georges Seltzer, René Lecavalier, Richard Garneau et Pierre Dufault.

Une course sur route mémorable

Le Dimanche-matin du 25 août 1974 (p. 90) présente la liste des coureurs inscrits à la course sur route, épreuve reine de ces championnats. Plusieurs grands noms se présenteront à la ligne de départ d’un circuit très exigeant – la veille, le journal Le Jour (p. 20) rapportait les propos d’Eddy Merckx, qui, après avoir reconnu le parcours, a dit craindre qu’on ne veuille « l’assassiner ».

Bluff ou véritable crainte? En tout cas, malgré le coefficient de difficulté, celui qu’on surnomme « le Cannibale » triomphe sur la montagne et enfile le maillot arc-en-ciel traditionnellement remis au vainqueur. Compte rendu dans La Presse du 26 août 1974 (p. B1) : « Ce fut une grande course, […] mais une course que jamais Merckx n’a perdue de vue. Brûlant très rapidement deux de ses lieutenants […] en les lançant à la poursuite des Français. Prenant sur lui aussi d’imprimer la grande chasse dans les deux derniers tours […] avec la hargne qui caractérise toutes ses fins de course. Pour une première montréalaise, c’en était toute une. »

Disputée en matinée, la course des femmes permet à une jeune recrue de se distinguer. Dans La Presse du 26 août (p. 2), on peut lire : « Ce qui étonne cependant, c’est cette 21e position d'une Québécoise de 17 ans, France Richer, qui ne connaît le rythme du pédalier que depuis cinq mois à peine. Un exploit québécois. Le plus grand certainement de tous ces championnats! ʺJe les croyais plus fortes", insistera-t-elle après la compétition... »

Retombées et héritage

Que retenir de ce grand sommet cycliste? Au-delà de son succès organisationnel et populaire, donnera-t-il envie aux jeunes et aux moins jeunes d’enfourcher un deux-roues? Au lendemain des Championnats, le chroniqueur du Montréal-matin Richard Camirand n’y croit pas tellement. Dans son papier du 27 août 1974 intitulé « Espoir incertain en cyclisme » (p. 52), il prédit que « même si l’événement demeurera longtemps gravé dans la mémoire des sportifs, […] le cyclisme québécois ne pourra pas bénéficier de ces championnats […]. Premièrement, parce que la pratique de ce sport coûte vraiment trop cher […]. Deuxièmement, parce que la Fédération cycliste du Québec ne possède vraiment pas les cellules d'accueil pouvant sensibiliser la jeunesse québécoise ».

Avec le recul, on est tenté de contredire cette prévision. En effet, cinquante ans plus tard, la Belle Province pédale allègrement, aussi bien dans un but récréatif que professionnellement. Les grands prix cyclistes disputés en septembre à Montréal et à Québec attirent le gratin du peloton professionnel et font se déplacer les foules. Et la tenue prochaine des Championnats du monde à Montréal, en 2026, nous permettra à nouveau d’apprécier l’élite du monde cycliste… Bref, la roue continue de tourner, à défaut de se réinventer.