Si vous avez déjà visité le Vieux-Québec, peut-être avez-vous déambulé dans les rues du secteur Petit-Champlain, que surplombent le Château Frontenac et la terrasse Dufferin. C’est à deux pas de ce lieu enchanteur que s’est produite l’une des pires tragédies de l’histoire de la capitale.


Le géant se fissure
Le 19 septembre 1889 à 19 h 30, un bloc de roc se détache de la falaise, déclenchant un immense éboulis qui s’abat sur le quartier ouvrier Cap-Blanc. En l’espace de quelques secondes à peine, sans que quiconque ait le temps de réagir, 13 logements sont ensevelis sous plusieurs tonnes de roches, avec les 36 familles qui y résident.

Grâce à l’initiative de la population environnante et des autorités, l’opération de sauvetage commence rapidement. Plusieurs jours durant, les forces policières, les services d’incendie, les militaires et les volontaires tentent d’extirper les personnes survivantes des décombres, sous le regard attentif des curieux qui se massent à proximité.

Les journalistes racontent avec beaucoup de détails la scène morbide : les corps des victimes étalés, les lamentations des personnes survivantes sous la montagne de gravats, les cris et les pleurs des témoins à chaque funèbre découverte… Ils rapportent aussi le cas de Joseph Kemp, 74 ans, qui aurait passé 113 heures sous les décombres avant qu’on le déterre, le 24 septembre. Immédiatement transféré à l’hôpital, il meurt de ses blessures le soir même.


Une catastrophe annoncée
Ce n’est pas la première fois qu’un tel drame s’abat sur la communauté, principalement irlandaise, du quartier Cap-Blanc. Un autre éboulis similaire, quoique moins important, s’est déjà produit en 1841. Dans les deux cas, la cause est la même : la ville a reçu des pluies torrentielles dans les jours précédents. L’eau, en s’infiltrant dans les fissures de la falaise du cap Diamant, a précipité l’érosion de la paroi rocheuse, qui s’est finalement détachée.

Même avant que ne surviennent ces tragédies, les autorités étaient averties du risque élevé d’affaissement du cap Diamant. La catastrophe de 1889, avec son bilan de 43 morts et d’environ 75 blessés, permettra enfin la solidification de la falaise et des assises de la terrasse Dufferin. Fait intéressant : on ne retirera pas tous les décombres du site. Au contraire, on intégrera à la paroi les pierres et certains débris de murs et de fondations afin de renforcer sa stabilité.
D’autres images de la catastrophe





Pour en savoir plus
On trouve plusieurs photographies de cette catastrophe aux Archives nationales à Québec, dans la Collection initiale ainsi que dans les fonds Fred C. Würtele, J.E. Livernois Ltée(1) et Philippe Gingras. Il est à noter que certaines images du fonds J.E. Livernois Ltée, plus troublantes (photographies des victimes, dont des enfants), n’ont pas été intégrées au diaporama. Ces images portent les cotes P560, S1, P377-3 et P377-7. Les personnes intéressées et averties pourront les visualiser en ligne à l’aide du moteur de recherche Advitam.
Les enquêtes du coroner concernant Joseph Kemp et les autres victimes de l’éboulement sont conservées aux Archives nationales à Québec, dans le fonds Cour des sessions générales de la paix du district de Québec, série Enquêtes du coroner, contenant 1960-01-353/2352, année 1889, dossier 188. Le compte de 43 victimes, utilisé dans cet article, est tiré du nombre d’enquêtes du coroner que contient ce dossier.
Dans les registres de l’état civil de la paroisse de Saint-Patrick on trouve plusieurs actes de sépulture dans les jours suivant le 20 septembre 1889 qui portenc la mention « Accidentally killed by a landslide ». Ces actes ont été numérisés et sont accessibles en ligne su BAnQ numérique.
Voici également quelques journaux d’époque numérisés qui couvrent l’événement :
– The Quebec Mercury (1804-1903)
À lire sur l’éboulement ou sur l’histoire du quartier Cap-Blanc, à Québec :
Cet article est la version révisée d’un texte publié dans le blogue Instantanés de BAnQ les 27 septembre 2017 et 6 juin 2018, sous le titre « Le grand éboulement de Québec : une tragédie oubliée? ».
(1) Les photographies du fonds J. E. Livernois Ltée reproduites dans cet article sont inscrites depuis 2018 au Registre de la Mémoire du monde du Canada de la Commission canadienne pour l’UNESCO.