Des histoires de «Broue»

Découvrez quelques faits et anecdotes sur cette enivrante pièce de théâtre, dont les archives sont désormais conservées par BAnQ.

Arts vivants Histoire du Québec (1980 à aujourd’hui)
Trois hommes dans un débit de boisson.

Objet théâtral à nul autre pareil, Broue voit le jour en mars 1979. La pièce est créée au Théâtre des Voyagements, boulevard Saint-Laurent, à Montréal. Là, 75 personnes en boivent avec bonheur les paroles, livrées par un redoutable trio de comédiens formé de Michel Côté, Marc Messier et Marcel Gauthier. Ceux-ci s’amusent ferme à mettre en scène et jouer des textes signés par Claude Meunier, Jean-Pierre Plante, Francine Ruel et Louis Saia, entre autres auteurs.

Quelque 40 ans et plus de 3300 représentations plus tard, la pièce fait son entrée aux Archives nationales. Place bien méritée pour une création chère au cœur de plusieurs générations de Québécoises et de Québécois.

 

Réception initiale

Alors que beaucoup de pièces de théâtre vivent le temps d’une saison, Broue a réussi l’exploit de s’inscrire dans la durée.

La réception initiale est favorable, côté public, et au moins un journaliste trouve de quoi s’emballer : « Un microcosme très vivant, tantôt délirant et drôle, tantôt pathétique, où le mythe de la supériorité mâle en prend pour son rhume… ou plutôt pour sa broue », écrit Martial Dassylva dans La Presse,  le 26 mars 1979.

Le critique ajoute : « [Il s’agit d’un] véhicule en or pour les trois comédiens […] qui multiplient, à un rythme presque vertigineux, les compositions amusantes et colorées. »

Succès croissant

Deux ans après sa création, Broue fait l’objet d’une coproduction avec la compagnie Jean-Duceppe et remplit la salle du Théâtre Port-Royal de la Place des Arts pour 37 représentations, avant de partir en tournée à travers le Québec. Le succès populaire sera franc et durable.

Cet engouement s’expliquerait-il parce qu’on s’y reconnaît un peu, beaucoup, passionnément? Après tout, l’homo tavernicus, ou homme des tavernes, est une espèce assez commune au Québec – remontant sans doute à l’époque où on a commencé à cultiver le houblon en Nouvelle-France.

En tout cas, une partie du public n’a pas de problème à se faire tirer la pipe : « [On se moquait] du comportement masculin [observé] dans les tavernes », confirme Marc Messier, dans l’entrevue vidéo retraçant la genèse de la pièce.

Un p’tit goût d’universel

Une saveur familière, donc, mais en même temps, un p’tit goût d’universel. À preuve, le succès de Broue hors Québec – y compris à Toronto et à Vancouver, où elle a été jouée en anglais par la troupe originale.

Produit d’exportation très populaire, Broue vivra aussi en Europe avec ses versions belge (Chez Willy), flamande (In’t zicht van de statie), françaises (Cul sec, Mousse, Garçons de café, Faux-col) et anglaise (Willy’s Brew). Sans oublier une mouture neutre – dépouillée d’allusions au monde du sport et nettoyée de marques de bière locales – pouvant être montée n’importe où sur la planète.

On peut la lire de plusieurs façons, ce qui lui vaut un public large et… sérieux : « La pièce peut être prise de tous les degrés possibles. Premier degré, troisième degré… Il y a eu des thèses d’université! » raconte Marc Messier.

Serveurs portant des cabarets de bière dans une salle de spectacle.
Photo prise à la 1000e représentation de la pièce « Broue ». Fonds La Presse.

Phénomène sociologique

Au-delà de ses qualités dramaturgiques – un sommet d’efficacité en écriture comique –, le spectacle constitue, en raison de son succès aux guichets, un véritable phénomène sociologique.

« [C’est] la pièce la plus populaire de l’histoire du théâtre québécois », écrivait le journaliste Jean Beaunoyer dans La Presse,  en mars 1989, à l’occasion d’un 10e anniversaire célébré comme il se doit.

En 2006, Broue s’est vu conférer par Guinness le titre de pièce la plus jouée de façon consécutive par la même distribution.

Les gars de la première Broue ont depuis passé la main. Aujourd’hui, la pièce tourne toujours, avec une nouvelle distribution : Luc Guérin, Martin Drainville et Benoît Brière.