Censure de haut niveau : « l’affaire Corridart »

Revivez « l’affaire Corridart », un des cas les plus marquants de censure artistique de l’histoire du Québec, qui se déroule dans un décor bien particulier : celui des Jeux olympiques de Montréal de 1976. 

Arts visuels Histoire du Québec (1945-1979)
Une femme tient une affiche sur laquelle est inscrit "Corridart" devant ses yeux

Les grandes lignes de l’histoire

En 1976, à l’occasion des Jeux olympiques d’été de Montréal, plusieurs dizaines d’artistes participent à l’élaboration d’une installation extérieure devant s’étaler rue Sherbrooke sur plusieurs kilomètres, soit de l’avenue Atwater au boulevard Pie-IX. Les artistes ont à cœur de revaloriser l’histoire de cette importante rue montréalaise en la transformant en un lieu d’exposition à ciel ouvert, propice à des manifestations d’art contemporain singulières et engagées. Françoise Sullivan, Pierre Ayot et Guido Molinari, pour n’en nommer que quelques-uns, y prennent part. L’inauguration de l’exposition Corridart a lieu le 7 juillet 1976.

Moins d’une semaine après le dévoilement de Corridart et juste avant l’ouverture officielle des Jeux, l’administration de la Ville de Montréal, avec à sa tête le maire Jean Drapeau, ordonne son démantèlement. Dans la nuit du 13 au 14 juillet 1976, à l’insu des artistes et sans préavis, les œuvres sont endommagées, détruites ou démontées par des membres du personnel de la Ville de Montréal.

Dès le lendemain et pendant plusieurs jours, l’affaire fait la une de plusieurs journaux. Le ministre des Affaires culturelles, Jean-Paul L’Allier, ainsi que le Comité d’organisation des Jeux olympiques demandent que l’exposition soit remise en place et menacent d’intenter des poursuites contre la Ville. Si l’administration Drapeau évoque des enjeux de sécurité pour justifier son geste, on apprendra plus tard que c’est plutôt l’esthétique et l’aspect idéologique de certaines œuvres qui dérangent le maire, qui souhaite que Montréal ait une image irréprochable pour l’ouverture des Jeux. 

Malgré les nombreuses demandes gouvernementales et la protestation des artistes, l’exposition ne sera jamais remise en place. Plusieurs artistes sont toutefois déterminés à obtenir justice et intentent un procès contre la ville. Ce combat prendra fin en 1988 par un règlement à l’amiable entre les artistes et le nouveau maire, Jean Doré.  

Corridart dans les collections de BAnQ

Les collections de BAnQ regorgent de documents qui permettent de revivre les moments forts de cette saga : voici quelques suggestions pour commencer votre exploration!

Une image vaut mille mots

Plusieurs photographies provenant des fonds d’archives de BAnQ permettent de revoir le fil des évènements. Elles permettent d’assister à la démolition de l’exposition, mais aussi de voir les œuvres avant qu’elles ne soient endommagées, et aussi quelques moments de protestations à la suite de l’évènement. 

À la une

Il est vraiment fascinant de parcourir les articles de journaux publiés à propos de cette affaire à partir du 14 juillet 1976. Grands quotidiens montréalais et journaux régionaux y consacrent nombre de pages sous la forme de nouvelles, d’éditoriaux et de lettres ouvertes.

Histoire d’un combat

L’album d’estampes Corridart 1976- a été créé dans le but de financer les démarches juridiques entreprises par certains artistes. Il a été publié en 1982, à l’initiative de Madeleine Forcier, qui dirigeait alors la galerie Graff. On y trouve des œuvres d’artistes impliqués dans le projet d’origine, dont Pierre Ayot, Bill Vazan et Françoise Sullivan. On peut également y lire les prises de position d’intellectuels influents dans le champ de l’art au Québec, notamment François-Marc Gagnon, René Payant et Fernande Saint-Martin. Outre l’objectif de lever des fonds, l’œuvre se veut également un cri du cœur. Le coffret, en forme de pierre tombale, porte un message sans équivoque : « Pour la liberté d’expression »!