Entre 1755 à 1763, environ 10 000 Acadiens seront déportés dans des colonies anglaises et plusieurs d’entre eux s’installeront au Québec où ils rebâtiront leur vie tout en conservant leur identité. Le 15 août est l’occasion de fêter ce peuple courageux et résilient.

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Mon nom est Vigneault, mes ancêtres sont Cormier, Chiasson, Boudreau, Landry. Il n’y a pas plus acadien que ça. Quand j’ai dit ça à Moncton, ils ont éclaté de rire dans la salle. Ils ont dit : « C’est un Acadien comme nous autres! »
Le poète Gilles Vigneault n’est pas le seul à se sentir ainsi. L’auteur Michel Vastel raconte, dans sa biographie consacrée au premier ministre québécois Bernard Landry, qu’il se sentait dans sa jeunesse davantage Acadien que Canadien-français [1].
Selon la Fédération acadienne du Québec, le plus grand nombre de personnes ayant du sang acadien se retrouve d’ailleurs au Québec. Aussi, les liens entre la Nouvelle-France et l’Acadie ont toujours été bien vivants. Et comme l’ont affirmé plusieurs historiens, le mouvement migratoire entre le Québec et l’Acadie, ne date pas d’hier. On peut trouver des témoignages de cette relation dans plusieurs documents des collections de BAnQ.
Le Grand Dérangement
À la suite du Grand Dérangement, une multitude de petites « Cadies » (on nomme ainsi les régions où vivent des Acadiens) s’établissent au Québec, notamment à Bécancour, à Bonaventure et à la Nouvelle-Acadie dans Lanaudière.
L’historien André-Carl Vachon, lui-même d’origine acadienne, a étudié ce tragique événement. Dans Les déportations des Acadiens et leur arrivée au Québec, 1755-1775, il résume l’histoire de l’Acadie et présente les circonstances qui ont mené à la déportation d’une partie de sa population.
Dans Les Acadiens déportés qui acceptèrent l’offre de Murray (2016), Vachon analyse le rôle du gouverneur anglais James Murray qui a permis à plusieurs Acadiens déportés en Nouvelle-Angleterre de se rendre au Québec à partir de 1765.
Enfin, Les réfugiés et miliciens acadiens en Nouvelle-France : 1755-1763 (2020) l’auteur montre l’apport des Acadiens à la guerre de Sept Ans (de 1756 à 1763), notamment la participation de miliciens acadiens à la bataille des plaines d’Abraham à Québec.
La renaissance acadienne d’hier à aujourd’hui
Il est aussi intéressant de se rappeler que plusieurs Québécois ont contribué à la renaissance acadienne. Par exemple, en 1865, Pamphile Le May, poète et romancier québécois, traduit le poème épique Évangéline de l’Américain Henry W. Longfellow. Ce texte, publié en 1847, est le premier récit littéraire abordant la déportation des Acadiens. Tombé dans l’oubli, ce récit est de nouveau mis de l’avant et contribue au renouveau de l’identité acadienne.

Des Québécois au service de l’éducation en Acadie
Des Québécois contribuent à l’éducation des Francophones de l’Atlantique. Le père Camille Lefebvre, natif de Saint-Philippe-de-Laprairie, fonde en 1864 le Collège Saint-Joseph à Memramcook [2]. Ancêtres de l’Université de Moncton, cette institution est la première université francophone des provinces de l’Atlantique. Marie-Alphonsine-Eulalie Ranger, natif de l’Acadie (aujourd’hui Saint-Jean-sur-Richelieu), sœur Maillet des religieuses hospitalières de Saint-Joseph, devient en 1873 un personnage important dans le développement des institutions de soins de santé a Madawaska. À son décès, le 30 mars 1934, les journaux francophones du Nouveau-Brunswick déplorent la disparition d’une bienfaitrice des Acadiens. Pour sa part, Onésiphore Turgeon, natif de Lévis, devient instituteur à Petit-Rocher en 1871 puis, par l’entremise du Courrier des provinces maritimes, il milite pour les droits des Acadiens. En 1901, il est élu député de Bathurst et est nommé sénateur en 1922. Il a publié ses mémoires en 1928 : Un tribut à la race acadienne : mémoires, 1871-1927.
Ce dernier siècle, les relations entre le Québec et l’Acadie évoluent sans cesse. Par exemple, le journal Le Devoir, sous l’impulsion de son fondateur Henri Bourassa, souhaitant défendre la langue française en Amérique, organise à partir de 1924, une série de voyages. Lors du premier de ceux-ci, en Acadie, en 1924, le futur député de la circonscription fédérale de Labelle prononce de nombreux discours devant une multitude d’Acadiens émus.

Les fêtes acadiennes
Le fait acadien subsiste aussi au Québec jusqu’à nos jours. Les fêtes du bicentenaire de la Déportation acadienne, en 1955, quoique principalement organisées au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, sont aussi commémorées au Québec. Chaque année, plusieurs « Cadies » québécoises soulignent la Fête nationale des Acadiens. Par exemple, Bonaventure et l’Assomption ont leurs fêtes acadiennes et la région de la Nouvelle-Acadie dans Lanaudière (formée des municipalités de Saint-Jacques, Saint-Alexis, Saint-Ligouri et Sainte-Marie-Salomé) a son Festival Acadien. Pour sa part, Bécancour célèbre sa semaine acadienne chaque année.
Pour en savoir plus
- Arrivée au Canada d’une première vague de réfugiés acadiens fuyant la déportation, Ligne du temps du Québec
- « La déportation des Acadiens commémorée par 10,000 Saguenéens après 200 ans », Progrès du Saguenay, 25 mars 1955, vendredi 25 mars 1955, p. 1

[1] Voir le chapitre 3 : Michel Vastel, Landry : le grand dérangeant : biographie, Montréal, Éditons de l’Homme, 2001, 444 pages.
[2] Voir Pascal Poirier, Le Père Lefebvre et l’Acadie, Montréal : C.O. Beauchemin & fils, libraires-imprimeurs, 1898, 311 pages.