Le Carnaval de Québec : remède festif contre les rigueurs de l’hiver

Il attire les visiteurs, soutient l’industrie touristique en période creuse et aide à contrer la monotonie de l’hiver. Depuis 1894, le Carnaval de Québec se veut une solution amusante pour se remonter le moral avec une panoplie d’activités devenues aujourd’hui des incontournables!

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Il était une fois un carnaval…

Les premières éditions du plus gros carnaval d’hiver au monde remontent à plus de 130 ans. 

En octobre 1893, une requête pour organiser un carnaval est formulée auprès du maire de Québec, Jules-Joseph-Taschereau Frémont, par différents groupes de la ville, dont des marchands influents et des associations sportives. Une campagne d’appui s’enclenche, lancée par le journal Quebec Daily Telegraph. Les autres médias locaux emboîtent le pas et affichent leur soutien au projet au sein de leurs publications.

La lecture des journaux de l’époque permet de saisir les raisons qui motivent l’organisation d’un carnaval d’hiver à Québec. Le journal L’Événement avance que « les fêtes d’un carnaval feraient disparaître [] la monotonie de l’hiver québécois [] et donneraient à notre vieille cité un regain de vie et d’activité1». Mais on perçoit surtout des raisons économiques derrière cette volonté d’attirer un grand nombre de visiteurs et de « faire la réputation de la ville2». D’autant plus que, la même année, le Château Frontenac, récemment construit, ouvre ses portes au public. Il s’agit là d’une occasion d’inaugurer l’imposant hôtel et de s’assurer du soutien des compagnies de chemin de fer, dont le Canadien Pacifique et le Grand Tronc, qui profiteront des retombées économiques de ce tourisme hivernal. 

Dans des assemblées publiques et des comités d’organisation, diverses idées d’activités sont lancées. En plus de la construction d’un fort, on avance la possibilité de façonner une sculpture de glace représentant le premier navire qui a hiverné à Québec dans la rivière Saint-Charles. On propose également d’orchestrer « une attaque dirigée par les raquetteurs et les militaires, avec feux d’artifice et illuminations à la lumière électrique3 ».

Après des semaines d’organisation, le premier carnaval d’hiver de Québec se déroule du 29 janvier au 3 février 1894 et connaît un grand succès. Des milliers de festivaliers affrontent le froid pour participer aux activités, notamment au Patinoire de Québec – les journaux de l’époque utilisent le masculin pour parler de ce lieu tout désigné pour les sports sur glace. C’est là qu’ont lieu les joutes de curling, de crosse sur patins et de hockey, mais aussi les danses et les bals costumés sur patins.

À l’extérieur, les festivaliers et les sportifs les plus téméraires tirent parti des obstacles naturels de l’hiver lors de la première course en canot qui se déroule sur le fleuve, entre Lévis et Québec. Les carnavaliers encouragent également les participants aux courses en raquettes, profitent des glissoires ouvertes au public, et admirent les statues de glace ainsi que la vedette du carnaval, le fort de glace, construit sur les murs des fortifications. L’attaque prévue et la prise du fort par des raquetteurs et des membres de la nation huronne-wendate constituent le point culminant : la mise en scène est suivie par près de 50 000 spectateurs4 rassemblés sous la lueur des torches, au son des clairons et au rythme des tambours. 

Le carnaval d’hiver de Québec est un succès, mais ne reviendra que sporadiquement les années subséquentes. Il sera interrompu par les deux guerres mondiales et la crise économique de 1929.

Un vent froid de renouveau et l’arrivée de Bonhomme

Après quelques tentatives infructueuses de faire renaître le carnaval, des citoyens influents et des gens d’affaires de Québec se regroupent et reviennent à la charge à l’automne 1954. Ils estiment qu’un carnaval serait un projet propice au développement économique et permettrait de stimuler le tourisme hivernal. Le comité ainsi formé présente en octobre 1954 le symbole et l’animateur du carnaval, un mystérieux personnage dont on tait pour l’instant l’identité et qui « portera à toutes fins pratiques le nom de Bonhomme Carnaval5 ».

Bonhomme fera sa première apparition publique à l’ouverture officielle le 9 janvier 1955 et reviendra par la suite chaque année. Pour l’édition de 1969, Bonhomme arrive même en vaisseau spatial, à bord de la capsule Carnaval 156.

Avec les années, le Carnaval de Québec est devenu un événement de notoriété internationale, et de nombreuses célébrités se sont déplacées pour participer à ses activités et à leur promotion. La princesse Grace de Monaco, entre autres, s’est rendue à Québec en février 1969. Sa présence a attiré les médias locaux et internationaux, propulsant le Carnaval de Québec sur le devant de la scène. Plusieurs vedettes fouleront ainsi le sol québécois dans le cadre de la grande fête de l’hiver : Brooke Shields, Margaux Hemingway, Margot Kidder, Judd Nelson, Jerry Lewis, Anne Murray, etc. 

Encore aujourd’hui, durant ces deux semaines de réjouissances se tiennent de nombreux concours et activités sportives hivernales qui sont devenus des traditions avec le temps, dont le défilé de nuit, le concours de sculptures sur neige, la course en canot sur le fleuve Saint-Laurent entre Lévis et Québec, et les spectacles musicaux. 

Cet article est une version révisée d’un texte publié dans le blogue Instantanés de BAnQ le 5 février 2015, sous le titre « Remède contre les rigueurs de l’hiver : le Carnaval de Québec ».

 

Pour aller plus loin : 

Pour en savoir davantage et voir d’autres documents d’archives sur l’histoire du Carnaval de Québec, vous pouvez consulter le fonds Ministère des Communications conservé aux Archives nationales à Québec.

Sources: 

1L’Événement, 31 octobre 1893, page 4, https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/4572625.

2L’Événement, 3 novembre 1893, page 4, https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/4572627.

3L’Événement, 3 novembre 1893, page 4, https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/4572627.

4Le Soleil, 30 octobre 1954, page 1, https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3190274.

5-6 Le Soleil, 9 janvier 1969, page 13, https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3170653.