BAnQ détient une collection de près de 55 000 cartes postales qui regorge de portraits de Québécois du XXe siècle. Parmi eux, un casse-cou magnifique : Big John.

Les cartes postales sont parfois l’occasion de se familiariser avec des personnages d’autrefois hauts en couleur. C’est le cas de Jean-Baptiste Canadien, plus connu sous le nom de Big John ou encore de Sawatis Aiontonnis, son nom mohawk, « dont les prouesses en fait de canotage sont universellement connues1 » écrit La Tribune en 1899. Capitaine de l’équipe de crosse de Kahnawake et athlète intrépide, arborant une généreuse moustache, Big John exerce la profession de cageur, ces ouvriers spécialisés chargés de diriger le flottage des radeaux de troncs d’arbre grossièrement équarris sur les cours d’eau, souvent en direction d’une scierie. Il pilote également les bateaux à vapeur de l’American Line sur les segments les plus périlleux du Saint-Laurent. Observer Big John travailler constitue pour certains de ses contemporains un véritable divertissement.
Une traversée hardie
À partir de 1877, poussé par son goût des prouesses, il traverse à plusieurs reprises les rapides de Lachine de son village de Kahnawake au marché Bonsecours sur une embarcation de bois longue de près de 10 mètres. Il le fait même trois fois un 1er janvier, alors que les capricieuses eaux du fleuve charrient des blocs de glace contondants et tranchants. Deux rameurs mohawks l’aident à manœuvrer tandis que deux passagers les accompagnent par soif de sensations fortes et sans doute de la gloire montréalaise que cette odyssée procure. Les participants doivent nourrir une confiance indéfectible les uns envers les autres, car, comme l’écrit plaisamment La Presse fin 1905, « la moindre panique et bonsoir la compagnie! L’année 1906 ne leur ferait ni blanchir les cheveux ni tomber les dents2 ». En décembre 1915, alors âgé de 75 ans, Big John renonce à son tour de force fluvial. Sa passion demeure intacte, mais ses bras sont désormais trop faibles.

Un montage plus vrai que nature
La photographie qui a servi à produire cette très populaire carte postale n’a pas été prise en situation réelle, mais dans la cour du photographe William Notman, la chaloupe montée sur un tréteau. Le montage de Notman rend compte de l’impétuosité des rapides ainsi que de la maîtrise et de la témérité de Big John.
L’aménagement de la Voie maritime du Saint-Laurent dans les années 1950 fait disparaître les rapides qui bordaient Kahnawake pour les remplacer par un canal d’eaux placides. La tradition mohawk de pilotage sur les rapides dont Big John est un mémorable représentant en a beaucoup pâti.
Plus de 31 000 cartes postales sont consultables dans BAnQ numérique.